Quelques wedding-cakes des dernières semaines, et autres :
28 sept. 2020
26 sept. 2020
" Tout ce qui est sur terre doit périr " De Michel Bussi 9/20
Un secret ancestral tient le monde en équilibre, telle une clé de voûte. Ôtez cette pierre symbolique, et c'est un effondrement mondial, irréversible et apocalyptique. Avec un tel speech qui pourrait résister ?
Découvrir toute la vérité sur le mythe de l'Arche de Noé, voilà bien l'obsession de Zak Ikabi, un ethnologue aventurier jamais à cours de ressources. Dans le dessein de réunir toutes les pièces et les indices éparpillés de Bordeaux à Hong Kong et de Chartres à Monreale (Sicile), il entame un périple époustouflant de rocambolesque et de dangerosité. Embarquée, malgré elle, dans cette quête énigmatique et originelle, la glaciologue et rationnelle Cécile Serval voit sa vie basculer du jour au lendemain, dans une poursuite fiévreuse à la recherche de l'origine des religions. Cependant, ils ne sont pas les seuls sur le coup, une bande de tueurs, de la pire espèce, sont à leur trousse... et que les balles commencent à pleuvoir !
Tout tourne autour de l'intrigue principale : quelle est cette masse sombre prise dans les glaces millénaires du mont Ararat ? Cela est-il la preuve, comme le disent la Bible, la Torah et le Coran que l'Arche de Noé s'y est échouée ?
D'emblée, ce thriller ésotérique s'affiche comme un nouveau Da vinci code fortement aromatisé à l'Indiana Jones. Cependant, même si des références sont là, la mixture prend-t-elle ? Trop partiellement, car tout ce qui touche au désir d’éclaircir l'opacité de nos origines, d'approfondir la perception de l'inintelligible ou de tenter de clore le débat entre le rationnel et le spirituel, via les livres sacrés et les figurations religieuses, est franchement instructif et ne manque pas d'intérêt. Par contre, vouloir faire de l'essentiel de ce roman une course-poursuite de près de 700 pages, cela relève de la gageure sans nom. Car, afin de créer un rebondissement toutes les trois ou quatre pages, durée moyenne des chapitres, Michel Bussi enfile les invraisemblances comme d'autres les perles ! Au point que, peu importe où géographiquement les bons se retrouvent, invariablement les méchants serons toujours derrière leur dos, et pas armés avec des élastiques ! Jamais vu de redoutables criminels avec un tel don d'omniscience. Naturellement, les bons passent à travers les balles comme l'eau dans une passoire ! Et qui va gagner au final ? Devinez ? Bref les improbabilités succèdent aux impossibilités. Le comble de l'incohérence étant atteint avec l'une des scènes finales quand nos effroyables tueurs se font ridiculiser et un peu tuer par de simples quadrupèdes excités à coup de chants religieux !
De surcroît, difficile d'avoir de l’empathie pour nos deux protagonistes principaux qui naturellement se détestent dès leur première rencontre. Dans le rôle du beau gosse : Zak Ikabi, un homme intelligent, beau et viril. Dans le rôle de la femme : Cécile, un être acariâtre, cartésien et au physique anodin. En fin de roman, sa métamorphose physique n'aura d'égal que son attirance pour, vous devinez qui ? On enchaîne les clichés comme si un lecteur attentif ne va rien remarquer, noyé dans l'abondance des pages.
Quant à la théorie défendue dans la révélation finale, elle est plus que déroutante. Dans l'absolu, elle ne fait que repousser, si ce n'est agrandir, la dimension du problème initial, comme pour s'en débarrasser. Ce qui n'est pas sans me rappeler une vague histoire de poussière et de tapis.
Dommage d'avoir gâché une histoire qui aurait méritée un traitement plus intelligent. En recentrant le récit autour de deux passionnés de l'histoire des religions, donc en excluant tout ce qui est relatif à l'action, la narration aurait pris une hauteur certaine, digne de celle du mont Ararat.
Somme toute, amateur de thriller ésotérique, si votre ambition est de passer un bon moment de détente sans se prendre la tête, ce roman convient. Mais si vous désirez ouvrir de nouveaux horizons de pensée, et souhaitez thésauriser un viatique pour des réflexions de qualité, mieux vaut passer votre chemin. A bon entendeur...
18 sept. 2020
" Le cœur cousu " de Carole Martinez 17/20
Santavela est un village perdu au cœur de l'immense Andalousie, où, de générations en générations, une lignée de femmes se transmettent une boîte en bois bien mystérieuse. A son tour, Frasquita, une toute jeune fille particulièrement douée pour les travaux d'aiguille, y découvre ce qui sublimera sa vie : un mirobolant et fabuleux nécessaire de couture. Son don exceptionnel de couturière fera naître la jalousie d'autrui, lui créant ainsi une réputation de magicienne ou pire... de sorcière !
D'emblée, comme dans tous ses romans, Carole Martinez nous séduit par l'organisation de ses mots. Elle nous brode une langue lyrique gonflée de poésie et de mystère. Une langue qui enveloppe tout d'une langueur caressante et enivrante. Une langue pleine d'amour, de chair, de sang, de larmes et d'espoir. Une langue vivante quoi ! On devine aisément, derrière cette plume domptée, de longues et patientes séances de broderie autour du vaste monde des mots.
Le cœur cousu est, avant tout, un hymne à la liberté face à un patriarcat inflexible qui impose tout à la gente féminine et s'autorise tout pour lui-même. Un livre féministe ? Certes, écrit par une femme pour un public féminin : les hommes y sont décrits comme machos, inconscients, veules et pervers. Triste réalité d'une époque peut-être pas si aussi révolue que cela.
Sa dextérité dans le maniement des fils et des aiguilles permet à Frasquita d'user de son génie pour raccommoder, réparer, recoudre les lambeaux de la vie et les bords du monde pour éviter qu'il ne s'effiloche encore plus. Vécue comme un don de Dieu, d'un Dieu miséricordieux, d'un Dieu d'amour, cette aptitude "divine" lui créera bien des ennuis, bien des tourments. Alors ce don : malédiction ou bénédiction ? Tout cela à la fois, de surcroît, étant la première de cordée d'une lignée d'enfants ayant reçu, eux aussi, une faculté à leur naissance, ils devront ensemble faire face à l'adversité. Avec un peu d'emphase ou d'exagération, on pourrait les comparer à une famille de "super-héros", tous prêts à aider leur prochain par maints tours autant envoûtants que merveilleux. Cependant, devant l'amplitude de la tâche, tous avancent en marge de leur vie, incapables d'exister pour eux-mêmes, portant le lourd poids de fautes qu'ils n'ont point commises. Dès lors, devant l'océan de douleur charriée par une humanité en voie de déliquescence depuis la nuit des temps, leur lignée peut se considérer comme sacrificielle, une terrible lignée de damnées !
Derrière ce cruel récit aux allures de conte, Carole Martinez met le doigt ou la plume sur toute cette population d'hommes et de femmes qui vivent en marge de la société : ceux qui pensent, agissent ou s'interrogent différemment de la majorité, ceux aussi qui par un handicap ou par une intelligence hors-norme sont montrés du doigt, d'un doigt accusateur. Peut-être faut-il une forme de courage pour abattre les hauts murs de l'altérité ? Mais une civilisation dite civilisée ne peut pas faire fi de cette richesse atypique si mésestimée et si inexploitée.
La propension de l'écrivaine à ce réalisme ésotérique n'est pas sans le rapprocher de celui d'auteurs sud-américains, notamment d'un Gabriel Garcia Marquez. Son origine ibérique n'y est sûrement pas pour rien.
Le cœur cousu est un roman issu des douleurs muettes de nos mères, toutes soumises dans l'inique palais des hommes, où la grâce de la plume le dispute au charme tout à la fois féerique et toxique de cette maudite lignée.
16 sept. 2020
" Les douze tribus d'Hattie " de Ayana Mathis 14/20
En 1923, afin de fuir la Géorgie et la ségrégation raciale, Hattie, une jeune fille de 15 ans, débarque avec sa mère à Philadelphie. Avec, chevillé au cœur, l'espoir de vivre une vie meilleure où le mot liberté aura un sens. Forte de l'énergie de sa jeunesse, elle épouse August, dans la foulée naissent des jumeaux. Mais la vie est loin d'être un long fleuve tranquille.
Il paraît que les gens heureux n'ont pas d'histoire. Avec ce roman les histoires fussent, c'est dire s'ils sont heureux !
En référence aux douze tribus d'Israël, chacune participant à la naissance d'une société, Hattie aura à s'occuper de douze enfants qui égraineront au fil d'un moment de leur vie l'histoire de l'Amérique du XXème siècle. Chaque chapitre est consacré à un ou deux enfants d'Hattie, dessinant ainsi en creux le portrait d'une mère que l'on dit sans amour pour sa progéniture, tant les gestes de tendresse sont inexistants. Comme le dit Bell, l'une de ses filles : Peut-être que maman ne savait pas qu'elle était censée nous aimer. Cependant, les choses ne sont jamais si simples, les dents acérées de la vie modifient nos comportements. Chacun porte sa croix, dans la dignité ou la trivialité, le chemin est toujours tortueux, et les ornières multiples.
A la lecture de ce roman, par sa maîtrise, par son ambition et son ampleur, il est difficile de croire qu'il s'agit d'un premier roman. La plume y est dense et sans fioriture, elle coupe dans la chair sans vergogne, laissant sur les pages la plus douloureuse des vérités.
La force de ce roman réside dans la véracité des protagonistes, au premier desquels, même si elle n'a pas droit au "chapitre", Hattie apparaît : cette mère de famille incompréhensiblement complexe, épouvantablement malheureuse et sinistrement froide. L'auteure choisit de ne pas divulguer la prime jeunesse d'Hattie, au lecteur, à travers la narration de ses enfants de s'en faire une idée : Aimer Hattie n'avait jamais été chose aisée. Elle était trop silencieuse, on ne savait jamais ce qu'elle pensait. Elle était constamment en colère et si dédaigneuse lorsque ses grandes espérances étaient déçues. Hattie est le symbole de toutes ces femmes noires qui affrontèrent dignement les cataclysmes de la vie. Par souci de ne pas déflorer tout le texte en évoquant chaque enfant, je me contente d'évoquer juste le mari d'Hattie : August, un homme fade, inconstant et alcoolique qui se laisse bousculer par une société qui n'attend rien de lui. D'ailleurs, sous les mots de l'auteure, les hommes sont loin d'être des êtres valeureux, tous sont plus ou moins coureurs, joueurs, alcooliques, fainéants, menteurs et violents. Par contre, les femmes, constamment outragées, restent droites et dignes dans leur pauvreté, leur isolement, leur cocufiage, juste bonnes à élever, sans le sou, des chapelets d'enfants.
Outre les portraits entremêlés d'un roman choral, Ayana Mathis décrit une société où s'imbrique le fol espoir, la désillusion, l'abandon, la maladie, la religion, la pauvreté, l'alcoolisme, l'homosexualité, la guerre du Vietnam, la discrimination et la condition des femmes noires.
La construction du roman me fait songer à une succession de nouvelles ayant pour centre de gravité commun : Hattie. Ces douze fragments sont malheureusement de qualité inégale. Autant la puissante fureur du premier chapitre, terriblement magnifique par la forme et le fond, autant d'autres, inutilement longs, traînent leur langueur et leur neurasthénie sur des pages et des pages. La force intrinsèque des meilleurs chapitres met inévitablement en relief la faiblesse des moins bons. De surcroît, sa description systématiquement accusatrice d'un patriarcat abjecte, nous dessine, également en creux, le portrait d'une écrivaine trop jeune pour être apaisée, trop révoltée pour prendre un ou deux pas de recul. Nul infime rayon de soleil pour enluminer la noirceur d'un premier roman qui jongle perpétuellement entre nuit et ténèbres.
Les douze tribus d'Hattie est le portrait, en filigrane, d'une femme et mère de famille noire qui ne veut en aucune façon offrir des gestes de tendresse à sa progéniture, afin de mieux les armer pour affronter les innombrables chaos de la vie. Bouleversant et noir.
7 sept. 2020
Visite du jardin estival.
Partie 6 (tout avec tout)
Toute la bleutée de l’éphémère ipomée.
Toute la beauté d'un bout d'arc d'un arc-en-ciel.
Toute la vigilance de la bébête du jardin aux batavias de septembre.
Tout l'éclat éblouissant d'une récolte journalière de tomates.