30 oct. 2020

 " Journal d'un amour perdu "   Eric-Emmanuel Schmitt   17/20


      Quand le désarroi fait littérature.

      " Maman est morte ce matin et c'est la première fois qu'elle me fait de la peine." C'est avec cette phrase choc que débute ce journal d'amour maternel. Tout au long des deux années qui suivirent, Eric-Emmanuel Schmitt essaie l'impossible : accepter le décès de sa mère. Mais comment se soumettre à cette injonction sociétale quand le seul être au monde qu'il idolâtrait vient de disparaitre ? Comment apprivoiser l'inacceptable quand toute sa vie s'articule autour de sa maman ? Dorénavant, un long et acharné combat s'engage contre cette montagne de chagrin. Ou trouver les armes pour venir à bout de cette insupportable douleur ? Cependant, continuer de vivre en étant éploré et affligé, est-ce cela que sa mère aurait voulu ? Demeurer inconsolable indéfiniment ne serait-il pas une sorte de trahison envers cette femme solaire, celle qui lui a donné le goût du bonheur de vivre, celle qui l'a initié aux arts, au sens de l'humour et aux plaisirs de la vie ?

      Tout en évoquant le bonheur d'un passé à jamais enfui, ce journal, forcément intime, plonge dans la détresse des grands malheurs. Il l'explore dans toutes ses cavités. Il la sonde, la soupèse, l'ausculte, la fouille, sans fin, à la recherche d'une prise où se raccrocher afin de ne plus décrocher, de ne plus sombrer, tel un navire en pleine tempête. Deux ans de bas et de très bas lui seront nécessaires pour métamorphoser l'épreuve de la mort en papillon de lumière, deux ans de cheminement intellectuel pour s'apercevoir que l'âme de la solution était là, juste sous ses yeux, encore faut-il avoir assez de lucidité pour pouvoir l'appréhender.

      Difficile de ne pas mesurer le deuil frappant Eric-Emmanuel Schmitt à l'aune de nos deuils personnels. Par écho, comment ne pas s'y retrouver, souffrir avec lui ? Comment ne pas être ému quand nos luttes face à l'inadmissible sont communes. C'est cela aussi faire partie de l'humanité.

       Avec ce texte sorti de ses entrailles, où pensées et réflexions se succèdentEric-Emmanuel Schmitt nous donne simplement une forte et belle leçon de vie... incommensurablement universelle.


28 oct. 2020


" Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran "   de Eric-Emmanuel Schimtt   17/20


      Paris, dans les années 1960, depuis que sa mère est partie, Momo partage sa vie avec un père glacial dans un triste appartement. Afin de rechercher un peu de joie et de réconfort, le garçon juif de 14 ans devient l'ami du vieil épicier arabe de la rue Bleue.

      Mais les apparences sont trompeuses. L'épicier n'est pas arabe ! La rue Bleue n'est pas bleue ! Et bien d'autres révélations étonnantes attentent Momo.

      Le personnage d'Ibrahim sert de révélateur à son jeune ami Momo, il tient le rôle du père de substitution, c'est un vieil homme qui passe le témoin à la génération suivante. Il enseignera à Momo : le sourire, le pardon, la clémence, la ruse et le plaisir de la lenteur. Tout un viatique pour vivre le mieux possible sa vie d'homme.

      Avec cette histoire très courte, 80 pages, aux allures de conte philosophique, Eric-Emmanuel Schmitt nous montre la vérité derrière le rideau des apparences. Il y a toujours ce que l'on croit savoir, ou du moins deviner, et ce qui est vrai. On se fourvoie toujours, tant la vérité prend des chemins détournés pour exister.

      Sa lecture est si brève et si douce qu'elle apporte un petit moment de joie, à l'image d'une belle parabole sur les religions, à l'image d'un air siffloté qui chante la vie, à l'image d'un fragment de sagesse et d'une opportunité de sourire. 

      Ce récit, où le titre est presque plus long que le texte, est à la fois simpliste, touchant, léger comme le bonheur et certainement plus subtil qu'il n'y paraît !


27 oct. 2020


 " Les Naufragés de l'île Tromelin "   de Irène Frain   14/20


      Au soir du 31 juillet 1761, L'Utile, un navire français de commerce transportant une cargaison clandestine d'esclaves, crève sa coque sur les récifs de corail d'une minuscule île perdue dans l'océan indien. Sur ce petit bout de terre, incessamment battu par des déferlantes et harcelé par des ouragans, devront cohabiter les rescapés blancs et noirs. Mené par le premier lieutenant, un homme habile et brillant, Barthélémy Castellan de Vernet, les naufragés ne tarderont pas à construire un bateau de fortune pour regagner la côte de Madagascar. Cependant, l'embarcation est bien trop petite pour emmener tout le monde. Castellan jure solennellement aux esclaves, que l'on n'embarque pas, qu'il va revenir les chercher.

      En 1775, soit quinze ans plus tard, il ne reste que huit survivants ! Pourquoi Castellan n'est jamais revenu ? Que s'est-il passé sur ce bout de terre pendant tout ce temps ? Et pourquoi les autorités françaises n'ont rien fait pour les sauver ?

      En s'appuyant sur ce tragique fait réel, Irène Frain expose les tenants et les aboutissants d'un dramatique naufrage, qui, en son temps, eut un singulier écho en raison des scandales humains et financiers que l'affaire souleva. D'ailleurs, le mathématicien, philosophe et homme politique Condorcet, révolté par l'ignominie de cette tragédie, engagera les prémices d'un combat pour l'abolition de l'esclavage, finalement votée le 4 février 1794.

      Afin d'en faire une vraie oeuvre littéraire, Irène Frain s'est longuement imprégnée d'archives, de récits et documents d'époque, ainsi que le résultat de recherches archéologiques menées par Max Guérout en 2006. Cela dénote un long et fastidieux travail de reconstitution, qui certes, alourdit certains passages, mais qui révèle tous les dessous d'une catastrophe évitable. Seulement voilà, la bassesse de la cupidité, la volonté du paraître liées à la négation de l'homme noir créent un creuset où tous les ingrédients sont là pour qu'un drame surgisse.

      Assurément, l'altérité éloigne, cependant, sous le joug d'une nature extrême, quand les conditions de vie sont là pour niveler la différence entre hommes blancs et noirs, le plus beau cadeau au monde naît de la découverte de la fraternité humaine. En effet, quand le dénuement arase les dissemblances, il n'est plus question de couleur de peau, mais de solidarité dans un véritable esprit de corps.

      Petit bémol concernant la plume, hormis des mots ou expressions qui n'existaient pas encore à l'époque, comme : catamaran ou un bleu, la tournure des phrases surprend par leur circoncision abrupte ou par leur tournure.

      Malgré les défauts inhérents à la volonté de tout dire, tirant donc plus du documentaire que du roman, Les Naufragés de l'île Tromelin est un livre poignant et foncièrement inoubliable.


26 oct. 2020

 Visite du jardin automnal.

Partie 1



Eh oui, même les topinambours

font des fleurs !


Pas d'automne sans châtaignes !



Une linaire pas si linéaire que cela !


Dans nos campagnes sans loup,

je loue la beauté

des fruits de l'houx !


Notre bête du jardin

sur son trône de butternuts !


Monstrueuse tomate de 850 grammes !


Eclatement violet du pourpier.


Voici enfin ma récolte de graine de

feuille de chêne verte, (pour ceux qui suivent)

A semer au printemps prochain !


Toute la blancheur écarlate du cosmos.


Une belle sauge du nom de lèvres-chaudes

tout un programme !


Dernières tomates cerises de la saison !



                                  En guise d'au revoir,

nos fleurs de topinambours de face.


A très vite !




22 oct. 2020


 HAÏKU   Partie CXXXXVIII


°°°°°°°°°


un éveilleur de conscience

le bruit d'un couteau

Marianne à terre



un jour d'octobre

plein de Lumières

l'envol d'un ange



face à l'obscurantisme

un homme seul au front

- mort d'un hussard



une jeunesse en éveil

un homme-bougie

le vent de l'obscurantisme



plus beau métier du monde

allumeur de conscience

à en perdre la tête



un jeune de 18 ans

un professeur des Lumières

difficile le métier d'homme



16 oct. 2020


HAÏKU   Partie CXXXXVII


°°°°°°°°°


silence d'automne -

sur les fils électriques

nulle hirondelle


ciel mélancolique

à nos oreilles égrène

des notes de pluie


rosiers décharnés

assaillis d'herbes folles

- fin de saison


les feuilles des arbres

décrochées par le vent

- la fête est finie


la Covid 19

décochée par la Chine

- la fête est finie



10 oct. 2020

Les Noces barbares - Yann Queffélec - SensCritique 

" Les noces barbares "   de Yann Queffélec   16/20


        Né d'une imposture amoureuse et d'un viol collectif, le petit Ludovic sera toute sa vie haï par une maman trop jeune et trop belle, ne voyant qu'en son fils le résultat d'un effroyable gâchis. Vivant sans amour maternel et caché dans un vieux grenier, son état psychologique ne pourra être que chancelant. Pour survivre, il devra se construire son propre univers, incessamment écartelé entre un sentiment d’adoration et de répulsion pour sa mère... si lointaine.

      D'emblée, le style de la plume séduit. Ses descriptions dénotent d'une qualité littéraire remarquable. Le summum étant atteint avec l'évocation sublime de la mer et de son rivage. Il y a une telle poésie dans ses phrases et dans ses mots qu'il m'est arrivé de relire certains passages, gratuitement, juste pour la beauté du texte et le plaisir des belles phrases.

      Par-dessus tout cela se greffe une histoire sordide pleine de tromperie, de haine, de rejet et d'amour. Où, comment se construire sans l'amour d'une mère, pire, avec la répulsion constante de sa maman ? Ce roman aurait pu s'intituler "Noir obscur", tant l'absence de lumière suinte de partout, tant le moindre espoir se dégonfle aussitôt, telle un ballon de baudruche poinçonné en tout point. Ce même poing qu'il aura beau serré de désespoir, vainement. Malgré l'enténèbrement de l'histoire, malgré le sordide des sentiments et malgré l'obscénité des situations, Yann Queffélec évite l'écueil du pathos et du larmoiement. En bon marin, il louvoie avec dextérité entre les récifs d'une jeune vie perdue, d'une vie sacrifiée sur l'hôtel de l'abomination, de la concupiscence et de la perversion.

      De surcroît, l'auteur dénonce les jugements rapides, les injonctions sans fondement, bref, tous ces préjugés venus de personnes censées être censées, ces fameux gens si bien-pensant. Et pourtant, Ludovic en entendra des mots péjoratifs, créant une isolation supplémentaire, une barrière infranchissable, une fragmentation de son esprit, une frontière absurde entre les gens dit "équilibrés" et les autres.

      Est-ce un plaidoyer en faveur de l'avortement, une apologie de l'adoption ou un éloge pour la primordialité de l'amour maternelle ? Tout cela à la fois et bien plus encore.

      Néanmoins, malgré l’intérêt porté à ce roman, j'ai un bémol concernant la deuxième partie du livre, là où Ludovic se fait enfermer dans une institution pour débile léger. Cette partie de 100 pages s'éternise en histoires d'enfants qui n'apportent pas grand-chose au récit ; heureusement, la dernière partie rehausse l’intérêt, pour s'achever dans un symbolisme tragique où la résolution de l'équation relationnelle sera au rendez-vous, dans une acmé déchirante, ultime et inévitable.

      Et que dire du quatrième de couverture trop bavard. J'en suis encore consterné, c'est simple : il contient tout le roman, même la fin ! Ne le lisez sous aucun prétexte, votre plaisir en serait stupidement gâché.

      Les noces barbares est un récit si poignant que les années de lecture à venir, ne parviendront jamais à effacer ce texte de nos mémoires. Comme un coup de poing dans la gueule ou une violente gifle au visage d'une humanité en voie de déshumanisation, et donc de désamour.


6 oct. 2020

 



HAÏKU   Partie   CXXXXVI


°°°°°°°°°


soleil d'automne -

sur les chemins mouillés

les rayons tièdes



au travers des ronces

cette lumière rasante

toute effilochée



soleil d'octobre -

l'ombre des arbres

de grands bras fatigués



sur le vieux châtaignier

douces caresses

du soleil affaibli



soir d'octobre -

assiette de soupe

aux parfums du jardin