" Journal d'un amour perdu " Eric-Emmanuel Schmitt 17/20
Quand le désarroi fait littérature.
" Maman est morte ce matin et c'est la première fois qu'elle me fait de la peine." C'est avec cette phrase choc que débute ce journal d'amour maternel. Tout au long des deux années qui suivirent, Eric-Emmanuel Schmitt essaie l'impossible : accepter le décès de sa mère. Mais comment se soumettre à cette injonction sociétale quand le seul être au monde qu'il idolâtrait vient de disparaitre ? Comment apprivoiser l'inacceptable quand toute sa vie s'articule autour de sa maman ? Dorénavant, un long et acharné combat s'engage contre cette montagne de chagrin. Ou trouver les armes pour venir à bout de cette insupportable douleur ? Cependant, continuer de vivre en étant éploré et affligé, est-ce cela que sa mère aurait voulu ? Demeurer inconsolable indéfiniment ne serait-il pas une sorte de trahison envers cette femme solaire, celle qui lui a donné le goût du bonheur de vivre, celle qui l'a initié aux arts, au sens de l'humour et aux plaisirs de la vie ?
Tout en évoquant le bonheur d'un passé à jamais enfui, ce journal, forcément intime, plonge dans la détresse des grands malheurs. Il l'explore dans toutes ses cavités. Il la sonde, la soupèse, l'ausculte, la fouille, sans fin, à la recherche d'une prise où se raccrocher afin de ne plus décrocher, de ne plus sombrer, tel un navire en pleine tempête. Deux ans de bas et de très bas lui seront nécessaires pour métamorphoser l'épreuve de la mort en papillon de lumière, deux ans de cheminement intellectuel pour s'apercevoir que l'âme de la solution était là, juste sous ses yeux, encore faut-il avoir assez de lucidité pour pouvoir l'appréhender.
Difficile de ne pas mesurer le deuil frappant Eric-Emmanuel Schmitt à l'aune de nos deuils personnels. Par écho, comment ne pas s'y retrouver, souffrir avec lui ? Comment ne pas être ému quand nos luttes face à l'inadmissible sont communes. C'est cela aussi faire partie de l'humanité.
Avec ce texte sorti de ses entrailles, où pensées et réflexions se succèdent, Eric-Emmanuel Schmitt nous donne simplement une forte et belle leçon de vie... incommensurablement universelle.
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