" Un fils en or " de Shilpi Somaya Gowda 18/20
Dans l'ouest de l'Inde, autour de l'an 2000, Anil, l'ainé de la famille Patel, après avoir entamé des études de médecine dans le Gujarat, part au Texas faire son internat. Même si le mal du pays le fait souffrir, même s'il est confronté à la différence de culture, même s'il peine à s'affirmer dans ce grand hôpital public, sa volonté de réussir s'affranchit des épreuves, de la distance et du temps. Mais quand un lointain amour d'enfance, sous les traits de Leena, la fille d'un pauvre métayer, remonte inexorablement à la surface, il devra faire preuve de maturité pour témoigner de ses désirs face à une mère engluée dans des traditions séculaires. Cependant, dans cette Inde où des millions de jeunes femmes sont victimes de mariages arrangés, auront-ils simplement le droit au bonheur ?
Voici un roman qui séduit par la pureté de son intrigue. Pas de rebondissements factices, pas de phrases ampoulées ; seulement la justesse des sentiments, la volonté de braver l'iniquité d'ancestrales coutumes et la vérité d'un jeune homme qui s'émancipe. Avec, chevillé au corps, le doute, ô pas celui qui plombe, qui nihilise toute action, qui mine et vire à la suspicion, mais celui qui est source d'exploration, celui qui est indispensable à toute mise en perspective qui se respecte. Ainsi, grâce à la beauté noire du doute, Anil progressera sur le tortueux chemin de la vie, humainement, professionnellement comme sentimentalement. Tel un récit initiatique qui se respecte.
En jouant sur les deux cultures, si opposées, Shilpi Somaya Gowda multiplie les points de vues, pointe les différences, dénonce la discrimination et fustige l'intolérance. Ce rêve américain est-il vraiment cet Eldorado si convoité ? Peut-on légitimement braver les dictats familiaux ? Les fossés des cultures, entre l'Inde et les Etats-Unis, sont-ils condamnés à rester insurmontables ? Jusqu'où les responsabilités familiales peuvent-elles nous faire dévier de nos intentions ? Le choix d'une vie, doit-il se faire au détriment d'autrui ?
Avec un déterminisme affiché, l'auteure ouvre les portes de nos retranchements philosophiques. Dans la jungle du monde elle indique la voie d'une humanité en devenir, où l'altérité devient un voyage, une découverte, un agrandissement. Où grandir intelligemment ne peut se faire sans les autres. Où se bâtir une vie en harmonie ne peut se faire sans un irénisme salutaire.
La plume, toute en légèreté, coule tel un grand fleuve serein. Ces plus de 500 pages défilent si aisément qu'aucune longueur ne vient gâcher notre plaisir de lecture et de découverte.
Un fils en or est indéniablement une oeuvre intelligente et sensible où les destins croisés d'Anil et de Leena versent vers un universalisme bienfaisant et providentiel. Même la fin, loin d'être à l'eau de rose, possède toute la force du côté roublard et imprévisible de la vie. Un séduisant roman universel à conseiller sans vergogne. Une vraie réussite !
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