26 nov. 2022

 Nouvelles réalisations pâtissières :
































Un grand classique pour se dire à bientôt.


22 nov. 2022


" Nous mourrons de nous être tant haïs "   de Aymeric Caron   17/20


      2054 Nouvelle-Zélande. Alors qu'un parfum de fin du monde règne sur la terre, Auréline fouille sa mémoire et rédige l'histoire de sa famille. Une famille dont le centre de gravité aura été la résistance face au déclin écologique et politique de notre espèce.

      Avec ce premier roman, Aymeric Caron, journaliste engagé, veut mettre à l'honneur les actions humanitaires mises en mouvement depuis les années 50, afin d'essayer de contrer ce bulldozer aveugle, détruisant inlassablement la planète et ses habitants. Telle une machine infernale broyant tout ce qui lui résiste, tout ce qui n'est pas croissance, tout ce qui n'est pas profit. Ainsi, nous revivons la création de Greenpeace, la crise des missiles de Cuba, l'ayatollah Khomeini à Neauphle-le-Château, son retour en Iran, le massacre des bébés phoques, l'accident de l'Amoco Cadiz, la guerre syrienne et ses réfugiés, etc. Ce ne sont pas les drames qui manquent. Ainsi, nous naviguons de tragédies en catastrophes, pour aboutir, par une suite de circonstances tronquées et impitoyables, à l'apocalypse absolu. Pas de déflorement de l'intrigue, tout est annoncé dès l'incipit.

      Aymeric Caron cherche la prise de conscience, la réaction de chacun face aux épreuves inédites et effroyables qui se faufilent à l'horizon, avec une interrogation ultime : y-a-t-il encore un avenir digne de ce nom pour l'humanité ?

      Mon bémol vient d'un final qui manque de crédibilité : genre la France seule qui déclare la guerre à la Chine !!! Sans parler d'un épilogue un peu trop imaginatif, le roman n'en avait pas besoin, il est assez puissant et très dérangeant par son propre propos.

      En rassemblant des morceaux de vies perdus dans l'espace et le temps, Aymeric Caron dresse le tableau d'une nature humaine non seulement prédatrice, mais aussi autodestructrice. Difficile, avec le réchauffement climatique qui frappe à nos portes depuis plusieurs décennies, d'imaginer que tout ceci n'est qu'une dystopie.


19 nov. 2022


" La traversée des temps " Tome 1 "Paradis perdu" et Tome 2 "La porte du ciel"   de Eric-Emmanuel Schmitt   8/20

      Mission impossible !

      Noam est né il y a 8 000 ans au bord d'un gigantesque lac dans un village lacustre. Au cœur d'une nature paradisiaque, il vit paisiblement jusqu'à jour où il croise le chemin de Noura, une belle jeune femme aussi imprévisible que fascinante. Sa présence va créer une division du clan et Noam finira par rentrer en conflit avec son père. Les ennuis allant par paire, le niveau du lac commence à monter de plus en plus...

      S'emparant de l'histoire biblique, Eric-Emmanuel Schmitt nous en propose une réécriture complète. Pourquoi pas ? L'idée est généreuse et intéressante, cependant le résultat me laisse pantois. En effet, vouloir raconter toute l'histoire de l'Homme sous une forme purement romanesque, faire défiler les siècles sous nos yeux, embrasser les différentes périodes de l'humanité, nous balader du déluge à Babel, puis en prenant la direction des pyramides, avant de filer vers la Grèce, etc, cela relève d'un défi gigantesque. L'ensemble doit s'étaler sur 8 tomes, une vraie course de fond. D'autant que chaque partie frôle les 600 pages. 

      Si la plume d'Eric-Emmanuel Schmitt est belle et harmonieuse, à l'exception de l'utilisation exagérée du verbe "susurrer", la narration manque d'ampleur (on n'est pas chez George R.R. Martin), elle se replie sur trop peu de protagonistes, et certains, dans le dessein de se les garder sous la main pendant des siècles, se voit devenir tout simplement immortels, bah voyons, c'est pratique, mais c'est ridicule. Ce procédé narratif enlève toute crédibilité au récit. Au fil du roman, l'auteur nous explique que la Bible est pleine d'erreurs (ainsi on nous aurait menti, non ?), certes, mais pourquoi en rajouter une belle brochette supplémentaire aussi improbable que l'original ? Ainsi, il enfile les invraisemblances comme des perles, sans compter les anachronismes et les situations que l'on devine à l'avance. Néanmoins, cela nous fait un beau collier au final, mais est-ce le but ?

      Ce qui m'a énormément gêné, est cette impossibilité de me croire 8 000 ans en arrière en plein néolithique, le décor semble artificiel, la nature paraît trop aimable, trop facile à vivre, tout sonne faux et les dialogues sont d'une modernité confondante, difficile de croire une telle virtuosité dans le language 6 000 ans avant notre ère !

      Heureusement, ce récit contient en bas de page quelques réflexions sur la condition humaine et notamment sur l'hubris guerrière des hommes. Cela permet de réfléchir à autre chose qu'à un récit si incrédible.

      D'après la fiche informative, ce projet titanesque, Eric-Emmanuel Schmitt le garde en lui depuis 30 ans, peut-être aurait-il dû patienter encore 30 ans !?! Certes, l'entreprise est honorable et courageuse, elle pourra séduire tous ceux qui ne sont pas trop regardant sur la vérité historique, ceux qui aiment se laisser emporter par le vent romanesque voire rocambolesque de l'histoire, ceux qui se laisse facilement séduire par des sentiments amoureux, cependant le défi est beaucoup trop grand pour l'appétit de M. Schmitt, qui, pour venir à bout de son projet titanesque devra faire des coupes sombres dans la généreuse Histoire de l'humanité tant ses péripéties sont innombrables et complexes.


15 nov. 2022

 


HAÏKU   Partie CLXIX


°°°°°°°°°


pluie sur la forêt

sous mille petits parapluies

lutins à l'abri



même sur un seul pied

les champignons sautillent

dans la poêle



jogging en forêt -

sur l'humus les champignons

font aussi leurs spores



balade en voiture

le feu passe à l'orange

j'appuie sur le champignon



mycélium en réseau

ma cueillette est détectée

la forêt omnisciente


9 nov. 2022

 


" Tristesse de la terre "   de Eric Vuillard   14/20

       Une nation construite dans le sang.

      Dans les années 1880, figure incontournable de la conquête de l'Ouest, Buffalo Bill, de son vrai nom William Cody, a su faire fructifier sa propre légende en créant et mettant en scène le légendaire Wild West Show, où un public nombreux pouvait voir la reconstitution en différents tableaux vivants de l'histoire du Grand Ouest, avec notamment de célèbres batailles qui opposaient l'armée américaine aux tribus indiennes. A l'époque, les foules se bousculaient pour profiter de cette attraction itinérante qui alla des Etats-Unis jusqu'en l'Europe, comme à Paris, Londres, Nancy ou Marseille. Finalement, Philippe de Villiers n'a rien inventé avec ses spectacles du Puy du fou, un siècle plus tôt Buffalo Bill fut le pionnier avec ce concept de Show-business grand attracteur de foules.

      A mi-chemin entre essai et roman, Eric Vuillard nous décrit la vérité qui se niche derrière les décors de carton-pâte. C'est-à-dire celle d'indiens humiliés et martyrisés, qui pour gagner leur vie, depuis que leurs terres leurs ont été volées, sont contraints de jouer les figurants dans des scènes de combat irréalistes par ceux-là mêmes qui les en ont chassés. Peuple doublement exploité et exhibé par une société blanche qui broie tout ce qu'elle touche. Et encore, si les exhibitions relevaient de la vérité, mais non, tout est truqué, manipulé, les tueries dignes de massacres contre l'humanité se transforment en lutte acharnée, les batailles gagnées par les indiens se transmutent en effroyables défaites, rien n'est vrai, on touche au révisionnisme, tout est arrangé pour abonder dans le sens du public qu'il faut chérir et qui ne demande pas mieux que d'insulter ces pauvres peuples inadaptés à un XIXème siècle industriel que rien n'arrête. Martyres d'un génocide, ils n'auront jamais le droit à la parole, et qui jugera leurs bourreaux ? A une époque où on déboulonne les statues, la question se pose.

      A noter que le célèbre Sitting Bull, après bien des tractations, fit lui aussi partie de ces représentations fallacieuses où voir l'indien haï constituait le fantasme ultime. Ainsi la soi-disant vérité historique est toujours écrite par les vainqueurs.

      Derrière cette critique acerbe de la société du spectacle se délectant d'un simulacre du passé, Eric Vuillard insiste sur l'inqualifiable extermination d'un peuple adapté à son environnement, par une société aveugle, influente et mercantile ; et même, lorsque les objets si particuliers de ces peuples furent exposés dans les musées, il faut savoir que leurs majorités furent dérobés sur leurs cadavres. Ainsi, l'auteur remet l'église au centre du village et cela honore la mémoire de ces peuples indiens, disparus sous la pression d'une immigration sans morale.

      Dans un style sec, parfois aride, Eric Vuillard déploie ce court essai romancé. J'aurais apprécié une biographie plus ample de Buffalo Bill, avec une évocation de sa jeunesse et de ses massacres de bisons qui sont justes évoqués vaguement, comme-ci cette hécatombe ineffable ne changeait rien aux propos. Sans oublier un dernier chapitre qui tombe comme un cheveu dans la soupe, aucun rapport avec le sujet, bizarre ! Petits regrets, malgré tout ce texte donne suffisamment à réfléchir, et c'est bien là l'essentiel.


3 nov. 2022



" Loin de l'Irlande "   de Ann Moore   11/20


      Veuve depuis peu, Grace O'Malley s'embarque sur un voilier de commerce pour traverser l'Atlantique vers le Nouveau Monde, afin d'y retrouver son frère Sean, qui l'attend depuis des mois. Le cœur brisé, car non seulement Grace fuit une Irlande natale frappée de famine et de guerre où plus aucun espoir n'est permis, mais elle est contrainte d'y laisser son père et son nouveau-né, trop faible pour endurer un tel voyage.

      Cette deuxième partie d'une trilogie reprend les codes du premier tome, (Grace O'Malley critiqué en ces pages le 28 mai 2017) malheureusement, sans les améliorer. En effet, la plume reste terne pour ne pas dire insipide, les rebondissements sont peu crédibles, et surtout, les protagonistes sont si caricaturaux, ébauchés en deux coups de pinceaux, ils ne varient jamais d'une once : les méchants sont trop méchants, et les gentils, indécrottablement gentils. Pas d'évolution, pas d'introspection sur l'origine de la violence, une psychologie, à part pour Grace, réduite au minimum syndicale, quand il y en a une ! Débrouillez-vous avec ça !

      Par contre, l'intérêt de ce roman, oui il y en a un, est défini par l'évocation appuyée de forts moments historiques : les épouvantables traversée de l'Atlantique où les plus pauvres des migrants irlandais étaient relégués en fond de cale, d'où une mortalité effroyable ; une fois débarqués sur le Nouveau Monde ces mêmes irlandais faisaient encore partie de la classe la plus basse de la société, seuls les noirs étaient moins bien considérés qu'eux ; les cortèges d'injustice et de misère inhérents à une immigration massive ; la vie nouvelle des esclavages ayant réussi à gagner, au péril de leur vie, les états abolitionnistes, mêmes si des chasseurs de prime d'esclaves en fuite rôdent partout ; les origines de la fondation de l'église des Mormons en 1830. Ainsi, toutes ces pages révélatrices d'un climat, d'une époque en évolution nous font digérer ces autres pages au manque criant de relief.

      Effectivement, envisagé comme lecture de plage, c'est idéal : léger, quelques scènes dramatiques, avec de bonnes pages d'amour hésitant, puis contrarié... à l'effigie de mon avis final : hésitant au début, puis franchement contrarié au fil des pages. Néanmoins, écrit avec une plume plus agressive, et bien moins académique, ce roman avait en lui la matière pour toucher à l'universel et en faire un chef-d'œuvre !