30 déc. 2022


 " La bataille d'Occident "   de Éric Vuillard   12/20

      Elles sont toutes là ces graines ; à peine déposées dans le sillon de la vie ; à peine germées ; à peine sorties du monde de l'enfance ; à peine le temps d'apprendre un métier ; à peine le temps d'avoir les mains calleuses ; à peine la joie d'apprécier les distractions du dimanche avec ses premiers amours ; même pas le temps de se douter du traquenard qui les attend. Ces beaux plants humains ne se doutent pas du soc de la charrue qui avance vers eux sous les feux de l'été ; ils ne se doutent pas qu'ils vont être découpés, démembrés, broyés, retournés à la terre, par la volonté folle de petits-fils d'une famille royale qui tiennent les rênes de la faucheuse.

      Voilà résumée l'effroyable introduction que nous propose Eric Vuillard dans cet essai sur la première guerre mondiale. Comme à son habitude, il décentre le propos, il décale l'objectif, n'hésitant pas à s'emparer de personnages historiques ; empereurs ou terroristes pour redessiner la courbe du tragique, de la haine et de l'absurde. Il redéfinit ce qui fut le premier massacre industriel de l'humanité. Malgré un Occident pétri d'art, de littérature et de science, la bêtise et l'arbitraire triomphent sur le dos d'une jeunesse tout juste sortie du moule, d'une jeunesse sacrifiée sur l'autel de l'inintelligence la plus criante.

      Ainsi, dans un style travaillé, l'auteur cherche à comprendre les raisons de ce suicide collectif, son ambition est louable, mais fait l'impasse sur tellement d'autres éléments que j'ai eu l'impression d'une ébauche de travail, parfois il prend de grands détours pour revenir à son sujet initial, cette dispersion aurait été envisageable sur un essai beaucoup plus long, mais l'ensemble faisant moins de 180 pages, le travail semble inachevé. Dommage.


29 déc. 2022

 Souvenirs de Noël 2022 :



















                                                            A bientôt !

18 déc. 2022

 


HAÏKU   Partie CLXX

°°°°°°°°°


voûte céleste

un fin croissant de lune

y accrocher un rêve



ciel nocturne

dix mille diamants aux cieux

la nuit est chouette



les couloirs de la nuit

je les parcours les yeux ouverts

- insomnies



minuit au clocher

plus haut, beaucoup plus haut

l'indifférence des étoiles



humanité déchirée

pourtant le ciel nocturne

le même pour tout le monde


12 déc. 2022


" Le colonel ne dort pas "   de Emilienne Malfatto   8/20

      Dans une ville indéterminée d'un pays en guerre, un colonel, spécialiste des interrogatoires fait chaque jour son effroyable office. Depuis quelque temps, le colonel ne dort plus du tout, victime d'une armée de fantômes qui viennent prendre possession de son sommeil. Plus loin, dans son palais, un général joue quotidiennement aux échecs, seul ; la folie l'envahie peu à peu. Voilà c'est tout !

      En effet, tout le roman tient sur ces quelques lignes. On pourrait dire qu'il s'agit plus d'un roman d'ambiance, tout se passant dans la tête de trois ou quatre personnages, tous plus gris et flous les uns que les autres. D'ailleurs le temps est gris et flou, la ville est grise et floue, la pluie est grise et floue, ainsi, par effet miroir, cette lecture devient vite grise et floue !

      Malgré tout, il y a deux ou trois beaux passages littéraires, notamment celles des pensées de l'ordonnance du colonel. Il y a quelques belles pages de poésie, et surtout, une réflexion sur ce que fait la guerre aux hommes, sur l'absurdité de tout cela. Malgré tout ce que l'on sait, malgré les souffrances qu'engendrent n'importe quel conflit, l'Homme continue inlassablement à tout faire pour générer guerre après guerre, comme un mal nécessaire, nécessaire à qui ?

      Honnêtement, est-on en face d'une escroquerie littéraire ? Ce récit de moins de 100 pages (à 16 euros le livre, cela fait chère la page !) aurait mérité une autre ampleur, là on tourne en rond, comme les protagonistes, les scènes se répètent à l'infini sur 50 nuances de gris. Par contre, l'aquarelle en couverture est tout simplement magnifique, bravo M. Nicola Mangrin, vous avez beaucoup de talent !


7 déc. 2022

 Petit aperçu du jardin automnal 2022

Partie 2


Couleurs cuivrées du Sumac de Virginie.



Belle espèce de Volvaire gluante.



Improbable : une salade poussant sur la terrasse !



Dernières cosmos de l'année.



Novembre sous le châtaignier.



Méli-mélo de minis chrysanthèmes.



Rose téméraire osant gouter la fraicheur de décembre.



Quand le chou devient oeuvre artistique.



Tous mignons, ces Coprinellus, blottis les uns contre les autres.



Visiteuse sur fleurs de sauge.



Quand le feuillage se fait fauve.



Encore des framboises en décembre !

A bientôt.


5 déc. 2022

 


" Par le fer et par le feu "   de Henryk Sienkiewicz   18/20

      Au milieu du 17ème siècle, la République dite des Deux Nations : Couronne polonaise et Grand-Duché de Lituanie, se voit grandement menacée d'insurrection. En effet, exaspéré par les abus de pouvoir, les privations de terre et la non redistribution des richesses du royaume par les seigneurs locaux et par toute la royauté, un homme se dresse face à ces injustices criantes : Bogdan Khmelnitsky. En quelques mois, il parvient à lever du fin fond des steppes de l'Ukraine une armée d'un demi-million d'hommes pour les élancer contre les armées polonaise et lituanienne. Ainsi, il s'en est fallu de peu que l'Europe orientale ne bascule sous la botte des Cosaques zaporogues et des Tatars de Crimée.

      L'écrivain nobélisé en 1905, Henryz Sienkiewicz, déploie sous nos yeux une fresque historique de plus de 700 pages où héroïsmes, traîtrises, supplices, honneurs, combats et amours, constellent le roman d'un souffle épique qui déborde des pages pour rapidement devenir une question universelle, d'où le succès du roman. Choisissant une petite porte pour nous faire pénétrer dans la grande Histoire, l'auteur nous fait suivre le parcours de quatre personnages principaux, soudés comme nos fameux quatre mousquetaires nationaux. Tous sont officiers, il y a Jean Kretuski, un homme dévoué et fier, tombé sous le charme de la princesse Hélène ; Wolodowski, petit par la taille mais immense par sa promptitude au combat ; Podbipieta, un chevalier géant qui a fait vœu de chasteté jusqu'au moment où il aura tranché trois têtes d'un coup ; Zagloba, un compagnon très rusé dont la langue volubile lui permettra de cacher, avec une ironie toute bienvenue, une couardise héréditaire. D'ailleurs, l'auteur a certainement créé ce protagoniste plein de joie de vivre, d'extravagance et d'humour dans le dessein de contrebalancer le tombereau d'horreurs qui envahit certaines pages noires à coup d'empalements, de décapitations et de toutes les tortures ignobles que l'homme est seul capable d'imaginer. 

      Naturellement, ce roman à une vision trop patriotique et idéalisé du conflit : le beau et preux chevalier face à la brutalité toute animale du cosaque, néanmoins, l'auteur glisse également du cœur et de l'honneur dans le clan cosaque, afin de rétablir un déséquilibre et de mettre le doigt sur la complexité de chacun.

      Cependant, la réflexion inhérente à cette lecture remet sur la table politique l'éternel abus de pouvoir des plus riches envers les plus faibles. Toute insurrection trouve son humus dans cette suffisance inacceptable, ce mépris émétique qui ne peut créer en retour qu'une gigantesque vague révolutionnaire, laquelle, ivre de vengeance, renverse tout sur son passage, et ne laisse qu'un fleuve de sang où tout le monde s'y noie.

      A noter qu'à son apogée, au début du XVIIème siècle, cet état des Deux Nations s'étendait de la mer Baltique à la mer Noire, et des contreforts des Carpates jusqu'aux limites de la Russie, ainsi l'Ukraine faisait partie intégrante de ce royaume. Cette Ukraine en mal d'équilibre, déjà tiraillée entre les influences occidentales et orientales, et oscillant politiquement entre Varsovie et Moscou, on n'est pas loin des résonnances actuelles.

      A noter enfin que ce roman a dû être lu en long en large et en travers par deux grands écrivains du XXème siècle : J.R.R. Tolkien et George R.R. Martin, car des similitudes me sont venues à l'esprit en cours de lecture. Comme un hommage singulier à celui qui sut écrire une oeuvre touchante, devenue depuis une oeuvre littéraire fondatrice de l'identité nationale polonaise.


2 déc. 2022


" Face au vent " de Jim Lynch   13/20


      Installés au bord du Pacifique, au cœur de la baie de Seattle, la famille Johannssen ne vit que par et pour la voile. Ainsi, Grumps, le grand-père, dessine des plans de voiliers, Bobo Jr, le père les construit et Marcelle, la mère, étudie leur trajectoire. Peu importe le temps, chaque dimanche la mer les réunit pour une séance d'embruns. Par conséquent, les enfants, Bernard, Josh et Ruby, tous biberonnés aux vents salés, se sont vite piqués au jeu, d'autant que la cadette n'a pas son pareil pour deviner d'où le vent, même léger, va souffler. Cependant, le jour où Ruby, alors qu'elle était en tête, zappe volontairement sa qualification aux jeux olympiques, la famille vole en éclats.

      Chacun sa route, chacun son chemin, comme le chantait Tonton David. En effet, pas facile de filer à l'unisson quand chacun aspire à vivre sa vie, à obéir à ses propres désirs. Ainsi, Bernard, épris de liberté, rebelle à la société et recherché par la police, s'embarque sur un voilier avide d'autres horizons plus ouvert à ses pensées libertaires ; Ruby, ne conçoit sa vie que dans l'humanitaire et file en Afrique ; quant à Josh, il n'est heureux qu'en côtoyant les voiliers et leurs propriétaires farfelus, ceux qui jouent les plaisanciers du dimanche idéalisant un projet de tour du monde sur un rafiot qui se brisera à la première grosse vague. Très vite, Josh deviendra un as de la réparation naval, et en réconciliateur invétéré il deviendra aussi celui des cœurs. Sous la narration de Josh, petit à petit, la véritable personnalité de chacun va se révéler. Les failles, les tensions, principalement instillées par le caractère autoritaire et bourru du père, vont diffuser des ondes négatives amenant une lame de fond de rejet qui les éparpillera tous. Une occasion de retrouvailles se fera jour, peut-être pour mieux se quitter à nouveau.  

      Pour s'opposer à un système capitaliste cannibale, pour tenter l'expérience d'une utopie inspiratrice du grand soir, Bernard et Ruby vont accorder leurs pensées à leur façon de vivre, mais doit-on au nom d'une idéologie libertaire déconsidérer ce qui ont peu d'ambition ? En effet, Josh se contente de rester sur place et d'affronter les soucis familiaux d'un père dominateur et d'une mère perdue dans ses équations, car son plaisir est là, au cœur de l'entretien de voiliers, magicien de la bricole et des relations humaines, il agit pour le bien de tous, même bénévolement, qui osera le condamner ?

      La plume de Jim Lynch est belle et ample, la narration adroite, il possède un vrai lyrisme maritime, malheureusement, en grand connaisseur des voiliers, il noie le lecteur sous un accastillage de termes techniques propres au monde de la voile. De même, il me manque des navigations autres que ces courses de skippers, des navigations où il n'est pas question de performances, de vitesse et de records, des navigations où le plaisir simple de respirer la mer, de la regarder, de l'admirer stérilise toute idée de compétition. Sans oublier le rebondissement final concernant Ruby qui se voit arriver au port depuis un bon paquet d'encablures.  Dommage. Vraiment dommage.