" Les étoiles de Compostelle " de Henri Vincenot 15/20
Durant le XIIIème siècle, il existait des communautés vivant à l'écart du monde et chargées par le seigneur local de transformer, en 20 ans, une forêt en un terrain fertile. On les appelait les essarteurs. Jehan de Tonnerre, un jeune homme de 15 ans, sauvage et farouche, était de ceux-là. Un jour dans la vallée, sa curiosité aidant, il est attiré par les prémisses du chantier d'une abbaye cistercienne. Sa vie va en être entièrement chamboulée. Bientôt, le voilà embauché par le maître des compagnons menuisiers. Magnifique parcours initiatique.
Tout le roman est constellé d'interactions entre les religions celtique et chrétienne liées à une singulière réflexion autour de l'élaboration de l'art roman et l'art gothique. Rien dans une construction religieuse n'est là pas hasard, tout répond au spirituel, au symbolisme, au sens profond de ce qui nous entoure, au sens philosophique de la vie et aux mathématiques. Ainsi, naturellement dans l'Histoire européenne, apparaissent les compagnons, ces artisans bâtisseurs (charpentiers, tailleurs de pierre), hautement compétents, passionnés de leur métier et fiers de leur travail. Ce récit est un hymne aux métiers manuels, d'ailleurs l'auteur déclame : " La civilisation qui méprise la main est vouée à la catastrophe...". Il prend aussi son temps pour nous expliquer la technique des constructions à partir de la géométrie.
Ainsi, la lecture s'avère érudite et enrichissante, entre les lignes Henri Vincenot cherche l'union de toutes choses, mais également l'altruisme, la paix et enfin le bonheur des peuples, tous unis derrière la capacité intellectuelle, créative et physique des hommes de bonne volonté. Une vague d'universalité traverse et transcende l'ensemble. L'harmonie totale comme dessein ultime.
La plume de l'auteur ne cherche jamais la simplicité, elle nous nourrit d'innombrables mots archaïques datant du moyen-âge, néanmoins grâce à eux, l'histoire prend chair, on y croit. On suit avec empathie le cheminement initiatique de Jehan Tonnerre sur les routes d'une France où naissent de partout monastères, églises, abbayes ou cathédrales. Chaque site est l'occasion de parfaire un savoir souvent gardé secret. D'ailleurs, derrière ces activités de construction une nouvelle société se forme : celle de la franc-maçonnerie.
J'ai également été séduit par la lucidité de l'auteur, n'hésitant pas à faire dire à certains personnages la vérité sur les croisades, ces guerres saintes servant de prétexte à toutes abominations ou vols.
Par contre, Henri Vincenot est le roi de l'anachronisme. Nous sommes sensés être au XIIIème siècle, or, intervient durant l'histoire la mort d'Abélard en 1182 ; le prêche de Bernard de Clairvaux en 1145, puis sa mort en 1153, sans oublier l'incendie de la cathédrale de Chartres en 1194, etc. Cherchez l'erreur !
En résumé, ce roman historique nous fait revivre une époque phare à la charnière entre l'art roman et l'art gothique, une époque d'espérance où tout semblait possible, une époque où l'artistique a eu ses lettres de noblesse. Enfin j'espère que ce roman fera taire tous ceux qui disent encore qu'il ne s'est rien passé au moyen-âge, alors que tant de bouleversement ont eu lieu, autant religieux qu'architectural, autant intellectuel que philosophique. A bon entendeur, salut !






















