27 mars 2015



Coucher de soleil.


Ce soir, à l'heure où glisse le soleil sous l'horizon,
Honteux d'avoir dardé sur ma misère sans raison.

Je m'agenouille dans l'herbe folle, tombant en pâmoison,
Mon regard capte le diapré du couchant uni au diapason.

Offrant par réfraction sur les rares nuages moutonnant,
Un spectre de nuances rose orangées des plus médusant.

Cette beauté, rien ne pourra l'abolir,
Aucun vil usurier la salir.

Un instant, mon âme si abîmée danse avec les anges,
Peut-être votre confort vous fait trouver cela étrange.

Telles des danseuses en tutu rose,
Ces moutons évoluent en prose.

Quiétude et grâce d'un moment volé,
A la foulée d'un destin envolé.

Peu importe les larmes que j'ai versées aujourd'hui,
Demain est loin, je m'oublie dans ce miellat inouï.

Je suis fière ce soir, d'être l'invitée des cieux,
Émerveillée de ce crépuscule si précieux.

Moi qui plie tant dans cette vie
Donnée par d'autres desservis.

Dans ma bouche, un goût d'infini subliminal,
Merci au ciel pour ce doux nectar vespéral.

Puis du pré remonte une humidité froide et réelle,
Telle l'annonce de la clôture de cette féerie intemporelle.

Déjà au loin, les bruits de la ville souillent mon présent,
Me rappellent qu'il y aura un demain, toujours avilissant.

25 mars 2015


" Le livre du roi "  d' Arnaldur Indridason 12/20



En 1955 à Copenhague, un jeune étudiant nommé Voldemar, débarque de son Islande natale. Vite il se lie d'amitié avec un professeur atypique : grand connaisseur en anciens livres nordiques, tel l'Edda poétique qui datent du XIII ème siècle. Ce personnage bourru et alcoolique donnera bien des suées à notre valeureux élève.

Alors qu'il étudiait le fameux "Livre du roi", ce professeur se le fait dérober en 1945 par un nazi spécialiste en culture ancienne. Dès lors, désireux de récupérer ce manuscrit inestimable, afin de le rendre à sa nation d'origine : l'Islande, il se lance avec Voldemar dans une quête effrénée vers les deux Allemagnes, le Danemark et l'Islande. 

Ce roman se lit comme une véritable aventure périlleuse nordique, ocellé de renseignements historiques, et rendu haletant par une maîtrise d'un suspens. C'est simple, j'avais la forte impression d'assister à une nouvelle aventure du célèbre héros de cinéma Indiana Jones !

Dans le genre c'est bien ficelé, instructif et dépaysant, mais je reste sur ma fin. Étrange sentiment, comme s'il me manquait en définitive quelque chose, un os à ronger ! 

Oh certes, le fond et la forme s'harmonise pour distiller une lecture fluide, les bases historiques authentifient le roman, cependant trop de rebondissements attendus gâchent l'ensemble, trop d'invraisemblances nuisent à ma lecture, puis des méchants trop caricaturaux sabotent ce qui aurait pu élever le propos. 

Non, ce qui m'a vraiment plut, c'est la relation maître/élève. En effet ce Voldemar, né de père inconnu et dont la mère le délaisse allègrement, fera tout fait trouver une figure paternelle, un mentor, dans ce professeur bougon et acariâtre, mais pétrit de remords, d'avoir par le passé failli à une attitude idéale et héroïque.

Et puis cette parenthèse historique, mêlant le seul prix Nobel de littérature islandais : Halldor Laxness, aux activités téméraires et interlopes de nos deux aventuriers ajoute une agréable parcelle de véracité au récit.

Bref, ce roman est une odyssée mouvementée mue par la culture des très vieux livres, qui fait simplement réfléchir à nos comportement devant l'immonde, mais qui délaye ce passionnant débat par un brouillas de péripéties un peu trop tirer par les cheveux. Dommage.



20 mars 2015


" Rebecca " de Daphné du Maurier 16/20


Nous sommes au printemps 1939, dans une somptueuse propriété nichée dans les Cornouailles anglaises, où une jeune mariée, très intimidée vient s'y installer chez son mari : Maxime de Winter un ancien veuf. Cet emménagement se déroule sous l'oeil acerbe de Mrs Anderson, la gouvernante du domaine toujours vêtue de noir, qui conserve pour son ancienne maîtresse décédée une vénération sans borne. Entre ces trois personnages  maints sentiments vont évoluer dans un huis clos étouffant

Ecrit vers 1938, certains lecteurs trouveront ce récit suranné ou archaïque, certes ils n'auront pas forcément tort, mais pour ma part c'est justement ce côté désuet, rococo qui fait tout l'intérêt de l'oeuvre. J'y vois comme le doux parfum d'un plaisir démodé, qui prend son temps, telle une madeleine de Proust des lectures d'antan, où notre mémoire nous caresse de l'évocation de moments définitivement envolés.

Dans mon succinct résumé j'évoque les trois protagonistes du roman, mais là est l'erreur, les seuls deux personnages principaux sont tout autre : d'abord honneur à celui qui est fait de pierres, je veux parler de la grande bâtisse appelée Manderley, entouré d'un jardin à la fois grandiose et floral, tous deux mystérieux et ténébreux. Manderley, cette maison aux cents pièces qui tel un labyrinthe, angoissera la jeune mariée, car elle respire de partout la présence de son ancienne propriétaire, la fameuse Rebecca, retrouvée noyée un an auparavant. Et justement c'est elle " Rebecca " l'autre personnage essentiel, qui bien que morte, remplie le roman de sa sépulcrale aura, comme une force omnipotente et incontournable de l'oeuvre.

Oeuvre qui louvoie entre conte gothique et suspense psychologique, où les passions et les haines s'exacerbent dans une atmosphère oppressante, entrecoupées de longs silences menaçants, avec en guise de basse obstinée lointaine, le ressac de la mer sur les galets, comme un rappel en continu d'un malaise planant.

N'oublions pas l'originalité de l'oeuvre, racontée à la première personne par la jeune mariée : on ne connaît jamais son nom, certes elle devient madame De Winter, mais jamais son prénom ou son nom de famille n'est écrit, comme-ci, une fois de plus Daphné du Maurier voulait souligner par omission l'ancienne maîtresse des lieux : " Rebecca ".

Ce célèbre roman de Daphné du Maurier, adapté en 1940 pour le cinéma par Alfred Hitchcock, garde toujours ce charme vénéneux qui a fait son succès à sa sortie avec cet incipit envoûtant : " J'ai rêvé l'autre nuit que je retournais à Manderley ".

Bref, un roman au style classique, qui sait manipuler son lecteur, et qui interroge sur la vraie personnalité des individu(e)s, une fois que l'on retire le vernis. Une chose est sûre : une fois tourné la dernière page, le prénom de " Rebecca " restera gravé en vous ad vitam aeternam.




8 mars 2015


Une grosse pluie et tant de versions !


Tout le monde connaît l'expression quelque peu triviale : " Il pleut comme vache qui pisse ! ", eh bien sachez qu'en Europe elle possède sa correspondance, tout aussi cocasse d'ailleurs :

D'abord avec nos amis belges qui disent : " Il drache ! ".
Puis chez les anglais on dit : " Il pleut des chats et des chiens ! ".
Les  espagnols sont plus pragmatiques avec : " Il pleut des cruches ! " . 
En Italie on voit un peu plus grand avec : " Il pleut des bassines ! ".
En Allemagne, c'est dans la même logique avec : " Il pleut des seaux ! ".
Cependant les néerlandais eux, explosent le rationnel avec : " Il pleut des briques ! ".
En plus fou on trouve les portugais avec : " Il pleut de la barbe de crapaud ! ".
Dans le délire total voici les danois avec : " Il tombe des apprentis cordonniers ! ".
Mais ma médaille d'or revient aux norvégiens, qui pulvérisent les limites des réalités avec : " Il pleut des trolls femelles ! ".

Décidément il y a tellement de différences entre nos nations européennes, rien que pour parler d'une pluie drue, que parfois l'on comprend mieux, que vouloir faire l'Europe relève de la douce utopie !


5 mars 2015



" Meursault, contre-enquête " de Kamel Daoud 14/20



Haroun est le frère de "l'arabe" tué par un certain Meursault dont le crime est relaté dans un célèbre roman du XXème siècle (L'étranger de Camus, pour les écervelés). Soixante ans après les faits, Haroun, qui depuis l'enfance a vécu dans l'ombre et le souvenir de son frère absent trop tôt, ne se résigne pas à laisser celui-ci dans l'anonymat, outré que son nom n’apparaisse même pas dans le roman original, comme une négation de l'individualisme de la société algérienne. Ainsi, Haroun rend justice à son frère en lui redonnant son vrai nom : " Moussa " mort sans le vouloir sur une plage inondée d'un soleil trop éblouissant.

Au début du roman, Haroun est un vieil homme toujours tourmenté. Soir après soir, dans un bar d'Oran, il rumine sa vie, rendue non-constructible par une mère assoiffée de vengeance, qui n'a toujours vécue que par et pour son fils aîné Moussa, assassiné par le désœuvrement d'un français.  Haroun rumine sa solitude, créée par le vide d'un père qui disparaît du jour au lendemain et d'un frère qui n'existe plus. Haroun rumine aussi sa colère, face aux secousses intrinsèques de son pays victime de la barbarie de la colonisation, puis colère face à tous ces hommes qui se vautrent dans une religion qu'il ne comprend pas, car elle éloigne tous ces musulmans de la réalité économique du pays. Il rêve d'un pays débout, fier, avançant ensemble, et non pas d'un pays plaintif, noyant ses frustrations dans d'hypothétiques croyances stériles.

Ce livre se lit comme LE miroir de "l'étranger", en effet, dès l'incipit le ton est donné avec cette phrase de Kamel Daoud : " Aujourd'hui M'ma est encore vivante ". La symétrie quasi parfaite continue jusqu'au bout de l'oeuvre : Par le meurtre d'un français tué par Haroun, vingt ans après celui de son frère, histoire de boucler la boucle de sa justice, puis par la scène de l'emprisonnement et du tribunal, et enfin par la diatribe contre le religion musulmane qui se fait rabrouer fermement, j'oubliais l'histoire d'amour avortée, et enfin par le même nombre de pages des deux romans. Cette concordance était voulue, mais encore fallait-il avoir le talent nécessaire pour l'élaborer.

Malgré tout, ce livre ne me convient pas entièrement, oh certes l'écriture est parfaite, l'effet miroir quoique saisissant joue à fond, cependant ce qui m'aurait totalement convaincu, c'est de lire la vraie vie de Moussa, la victime. Qu'il nous raconte ses envies, ses sentiments, ses souffrances, sa vie quoi ! Car le questionnement légitime de sa présence sur cette plage aux heures les plus chaudes, reste mystérieusement en blanc ! Son frère a beau extrapoler sur des possibilités, le passé reste brouillardeux et ambigu. Dommage.

Cet hommage en forme de contrepoint rendu à l'oeuvre première, louvoie avec dextérité pour discourir de la lourde question jamais résolue de l'identité. Aujourd'hui encore, cette interrogation est plus que jamais de mise, avec celle de la complexité des héritages qui involontairement, mais logiquement conditionne et empoisonne toujours la vie réelle des algériens.

Un livre de douleurs, qui parle d'une Algérie qui se cherche depuis si longtemps.