29 févr. 2020

" Les portes des Enfers "   de Laurent Gaudé   19/20

      Une histoire moderne d’Éros et Thanatos.

      Pour mieux nous faire aimer la vie, quoi de mieux que de fréquenter la mort ?

      Ce récit contient tant de noirceur et tant de lumière, tant de souffrance et tant de bonheur, tant de crainte et d'espérance, que j'en tremble encore !
      
      Hors de question de vous faire un résumé, il faut accepter d'en savoir très peu pour cheminer dans ce livre. Surtout ne lisez pas la quatrième de couverture qui dit tout. Maudite soit-elle !

      Néanmoins, l’histoire se déroule dans Naples et ses environs. Le récit a beau s'articuler autour de deux années 1980 et 2002, jamais le lecteur ne perd le fil, au contraire une osmose opère entre ces deux périodes qui se répondent, comme une danse entre la vie et la mort.

      Avec tout le talent qu'on lui connaît, Laurent Gaudé revisite le mythe d'Orphée. Ténébreux à souhait, ce roman possède un saisissant effet miroir nous ramenant à toutes ces personnes décédées que nous avons connues et aimés. Le souvenir qu'elles ont laissé dans nos mémoires collectives continue de nous faire avancer, comme-ci elles nous donnaient toujours la main. Et qui sait, le fait de penser régulièrement à elles, les maintient peut-être aussi dans un état second qui perdure. Perdure encore et toujours, jusqu'au jour où plus personne ne songera à elles. Oubliées dans la nuit des temps, elles seront, ce jour-là, définitivement disparues pour toujours.

      Devant la douleur d'un décès impromptu et injuste, chacun de nous réagit de manière différenciée, la souffrance intime prend des formes, des manières parfois surprenantes. Tel est le cas ici où un personnage trouvera refuge dans la folie, et où un autre, dans un souci de corriger l'inacceptable, osera affronter le royaume des ténèbres.

      La plume de Laurent Gaudé est douée d'une rare sensibilité, ses mots touchent, ses phrases savent émouvoir, quand elles ne nous laissent pas bouleversées par tant de justesse.

      Et que dire de ses protagonistes, tous asphyxiés par mille forces qui les oppressent mais qui vaillamment résistent. Comme le dit si bien Souchon modifiant une citation de Malraux, qui lui-même a dû s'inspirer de Simone Weil : La vie ne vaut rien, mais rien ne vaut la vie !

      Avec la conscience de tous ces deuils qui nous entourent, Laurent Gaudé nous invite à un voyage à travers le chagrin, certes, mais aussi au travers de la puissance de l'amour. Entre noirceur et éblouissement, cette fable poignante vous laissera profondément ému à la frontière entre la vie et la mort. Un roman universel et inoubliable !

     

26 févr. 2020

" Des éclairs "   de Jean Echenoz   11/20


      Grégor est né pendant une nuit d'orage de 1856 entre électricité et éclairs. Telle sera toute sa vie, passionné par l'un et se passionnant pour l'autre. Esprit affamé de connaissance, Grégor marquera son temps comme inventeur de génie. Ne lui doit-on pas la découverte du courant alternatif  ?  Envisageant à l'avance la radio, les rayons X, les robots, etc. Cependant, peu intéressé par la rentabilité de ses trouvailles scientifiques, il passe une partie de son temps à courir après les mécènes. D'autres, moins dispersés, plus rationnels, mais surtout plus mercantiles, sauront lui dérober le résultat de ses recherches. Vivant la plupart du temps en reclus d'une société qui aura su l'exploiter, il n'aura de compagnie, que celle des éclairs et celle des pigeons.

      Vouloir raconter la vie d'un grand savant, ayant vécu 87 ans, en 150 pages seulement ne relève-t-il point de la gageure ? Ou alors, si cette même vie manque à ce point de piquant et d'originalité, au point de la réduire à si peu de pages, pourquoi souhaiter la narrer ?

      Jean Echenoz fait partie de ces écrivains discrets louangés par le monde de la critique. Le moment était venu pour moi de goûter au sel de ses mots et au style de son écriture. Le hasard a voulu que je tombe sur ce roman de 2010 racontant la destinée de l'ingénieur Nikola Tesla. Pour de légitimes raisons de romancier prenant des libertés avec la vérité, l'auteur a modifié le nom de son personnage principal. Bien, mais pour quel résultat ?
      Les débuts de l'existence de Grégor sont survolés à une vitesse stupéfiante, ses premiers demi-succès aussi, cela n'intéresse pas Jean Echenoz. Non, ce qu'il veut c'est esquisser l'homme perdu dans ses pensées de scientifique et dans l'emballement de son esprit, au point de devenir irascible, sauvage,  méprisant, antipathique, un vrai misanthrope inadapté au monde qu'il côtoie. L'auteur met le doigt sur la solitude de toute personne vivant pour la folie d'une passion, en dehors d'elle, rien, ou si peu existe. Seuls trouveront grâce au goût de Grégor, la féerie des ciels d'orage zébrés d'éclairs, et la fréquentation des pigeons, pour lequel son amour n'aura aucune limite.

      De surcroît, Jean Echenoz n'ouvre aucunement la porte à un balbutiement d'empathie pour Grégor/Tesla. Difficile d'adhérer au profil de l'illuminé schizophrène qui gâche tout... jusqu'à l'amour d'une femme. Sourdant de cela, sa faculté à salir tout ceux qui essaient de lui tendre la main finit par agacer. Ne pas être doué pour le bonheur ou pour la vie, voilà bien le sujet du livre. L’existence de Grégor/Tesla n'est qu'un prétexte pour parler du mal de vivre. Vu sous cet angle le roman prend du relief, mais est-ce suffisant pour rester dans la mémoire d'un lectorat exigeant ? De surcroît, une ou deux pages relatives aux pigeons, cela peut être plaisant, mais en glisser des dizaines ! On atteint vite le stade de la nausée ! Un comble : le roman à beau être court, la fin m'a paru interminable !

      Des éclairs est un roman en demi-teinte. J'aurais aimé me passionner pour une version plus dilatée, plus omniprésente et plus engageante. Dommage ! Il me faudra lire un second livre de Jean Echenoz pour me faire une autre idée de son talent. Remarquez, si l'on se réfère à toute la critique élogieuse que j'ai pu lire ici ou là, apparemment, je suis dans l'erreur, mais je revendique le droit d'être à contre-courant de l'opinion générale. Une chose est certaine : j'exprime avec honnêteté tout mon ressenti. A vous de vous faire une idée... bonne lecture !
      

21 févr. 2020

" Le hussard sur le toit "   de Jean Giono   13/20


     
     La Provence vers 1930. Angelo est un jeune aristocrate italien, idéaliste et noble de coeur. Malgré un attachement passionné pour son pays natal, il est contraint de le fuir afin d'échapper à une justice qui le condamnerait au pire pour avoir causé la mort d'un officier autrichien lors d'un duel. Passant sur l'autre versant des Alpes à cheval, il débarque en Provence où une dimension apocalyptique le saisit : la région est en lutte contre une épouvantable épidémie de choléra. Afin de rejoindre Manosque, où vit son frère de lait, Angelo devra se frayer un passage parmi des tombereaux de cadavres dans un pays en pleine désolation.

      Le hussard sur le toit est un beau et long roman qui nous plonge dans une société en perte de repères. Que reste-il quand tout s'effondre autour de nous ? Quelle ligne de conduite faut-il adopter quand le chaos règne ? L'altruisme et la morale ont-ils encore lieu d'être ?

      En dépit de ses grandes qualités, ce roman me laisse mitigé. Certes, Jean Giono excelle dans les descriptions de la nature, il n'a pas son pareil pour écrire sur la chaleur écrasante et éblouissante de l'été, toutes ses représentations des pauvres victimes du choléra sont dantesques de vérité et d'épouvante, les portraits des différents interlocuteurs apparaissant tout le long de la route d’Angelo sont révélateurs de sensibilités complexes, toutefois, tous ces éléments admirablement traités sous la plume disserte de l'écrivain, le sont justement un peu trop. Trop est d'ailleurs le mot qui m'est revenu souvent en mémoire, en effet, tel le choléra quasi présent à chaque page, tout est en excès, tout est en outrance, cela déborde de partout, comme-ci la nature trop généreuse - de l'auteur - en remettait constamment une couche. Car assurément, l'histoire contée mérite narration. Ce road-movie provençal est pertinent par bien des côtés, notamment la multitude de réaction d'une population confrontée à l'indicible. Par toutes ses surenchères, j'ai eu le sentiment, de la part de Jean Giono, d'une recherche de perfection digne des plus grands, digne d'un chef-d'oeuvre. Pêché d'orgueil d'un homme qui veut laisser une trace dans l'histoire de la littérature ? C'est du moins la perception que j'en retire. A côté de cela, le film que Jean-Paul Rappeneau en a tiré est d'une fluidité et d'une lecture remarquable. Pourquoi ? Parce qu'il a su extraire du roman la substantifique moelle, celle qui parle au coeur de façon universelle, sans fioriture plombante et sans érudition assommante.

      Cependant, revenons au roman qui s'ouvre et se poursuit tout du long comme une enchanteresse ode à la nature, celle que plus personne ne voit, celle qui est à notre origine, celle dont nous faisons intrinsèquement partie. Cet intérêt est tel, de la part de l'auteur, qu'elle semble être le personnage principal de l'oeuvre, les autres protagonistes n'étant là uniquement dans le dessein de la mettre en valeur, tels des figurants.

      Pendant cette lecture, certains passages se sont révélés particulièrement abscons, j'en veux pour preuve l'avant dernier chapitre, où un vieux médecin, du haut de son vécu nous fait tout un laïus sur la vraie origine du choléra et des raisons de sa propagation foudroyante. Sa logorrhée, pour partiellement incompréhensible qu'elle soit, possède néanmoins un fil conducteur : la condition humaine où plus exactement les sentiments sibyllins qui traverse l'Homme quand une apocalypse le frappe. Ainsi, dans Le hussard sur le toit, l'épidémie de choléra n'est qu'un prétexte pour mettre en avant toute cette cohorte de jalousies, d'envies, de détestations, d'indifférences, de répulsions, d’égoïsmes et de couardises qui habitent si souvent le coeur des hommes, et qui au final serait la véritable source de ce fléau et de notre vulnérabilité. Par conséquent, et par le truchement de la maladie, Jean Giono nous confronte à nos peurs, à nous-mêmes, aux misérables que nous sommes, à notre hypocrisie, afin de tenter de faire renaître au coeur de chacun la flamme d'un humaniste respectueux et vertueux envers l'autre et envers un élément essentiel pour Jean Giono : Mère Nature !

      Dans toute cette noirceur cholérique, l'apparition du personnage de Pauline de Théus, même si elle est relativement peu présente, sonne comme une épiphanie. En effet, cette jeune aristocrate enlumine le récit d'un halo bienfaiteur. Animée d'une singulière volonté, elle possède ce qui chacun aimerait avoir : une âme noble.

      Certains parallèles peuvent être tirés entre ce roman et La peste d'Albert Camus, s'ils ne dénoncent pas exactement les mêmes travers, les deux oeuvres se servent d'une terrible maladie pour mettre en évidence les aberrations du comportement humain, à deux pas d'un égocentrisme archaïque et déshumanisant.

      A la fois passionnant et ardu, Le hussard sur le toit mérite naturellement d'être lu aujourd'hui pour l’universalité de ses thèmes centraux même si la langue volubile de Jean Giono peut, par son amplitude, agacer parfois.

      

18 févr. 2020

" Je, François Villon "   de Jean Teulé   12/20



      Le même jour, Jeanne d'Arc est brûlée,  François de Montcorbier/Villon naît et son père est pendu, c'était le 30 mai 1431. Six ans après, sa mère sera atrocement suppliciée. Elle aura le temps de confier son fils au chanoine Guillaume de Villon juste avant son exécution. En ce compréhensible et intelligent homme de foi, François trouvera un nom, un père et un protecteur inconditionnel. Guillaume tentera de lui inculquer la droiture, l'honnêteté et la foi. Cependant, même s'il fréquente l'université de Paris, où il apprendra le grec et le latin, il existera toujours en lui une âme d'insurgé. Ainsi, il côtoiera les miséreux, les prostituées et les assassins les plus retors. Durant sa courte vie, 30 ans, il accomplira tous les actes qu'un homme puisse commettre. Il écrira, raison pour laquelle on le connaît aujourd'hui, des poésies où sa liberté d'écrire sur tous les sujets semble absolue. Ce chantre inextinguible de toutes sortes de libertés disparaîtra un jour de 1463 sur la route menant à Orléans. Personne ne sait ce qu'il est devenu.

      Comme tout le monde, je connaissais François Villon et sa poésie de nom, en dehors de cela, strictement rien ! D'où mon fervent intérêt pour cette biographie. La claque que j'ai pris fut d'une folle violence.
      D'abord pour le rendu d'une époque où la vie humaine ne valait pas un sou. La plume de Jean Teulé nous régale d'un Paris moyenâgeux où le sordide le dispute à la souillure et à la condamnation rapide par l'église.
      Et ensuite pour la folie existentielle du poète, passant du vol au meurtre, puis à l'écriture, sans ciller le moins du monde, et vise-versa.

      Néanmoins, les faits narrés de la vie de François Villon sont tellement immondes qu'une question se pose rapidement : sont-ils conforment à la réalité historique ? Jean Teulé nous fait-il prendre nos vessies pour des lanternes ? Apparemment, il a pris beaucoup de liberté avec ce que savent de façon formelle les historiens. A partir d'éléments indiscutables, l'auteur nous brosse, grâce à une plume joyeuse, grandiloquente et paillarde, toute une littérature d'inspiration personnelle. Il échafaude ainsi des hypothèses (la mère de François aurait été enterrée vivante), invente à son gré bien des situations glauques et criminelles (François égorge une prostituée ou offre sa belle dulcinée à des assassins et violeurs), faisant de François Villon un être immoral, cynique, sans la moindre compassion. Dès lors, le brillant poète ne peut que choir de son piédestal ! La vérité, ou du moins ce que l'on sait n'autorise personne à affirmer comme réaliste cette vie d'anarchiste sanguinaire. Dès lors, ce roman n'est qu’hypothèse bien hypothétique ou d'élucubrations bien fanfaronnes et présomptueuses sorties du cerveau surchauffé d'un auteur qui veut choquer. Fallait-il aller jusqu'à ces extrêmes ? Pour Jean Teulé, la quête de la liberté absolue ne doit souffrir d'aucune condition. Mais alors, s'il veut raconter une histoire d'inspiration villonienne, pourquoi ne pas changer le nom de son protagoniste et ainsi écarter toute possibilité de prendre ses mots au pied de la lettre par n'importe quel lecteur un brin candide ?

      Néanmoins, toute la partie ambiance moyenâgeuse, avec le vocabulaire qui lui sied, est appréciable et audacieuse, malheureusement, quand l'auteur part dans l'outrance sur Villon, mes réserves m'obligent à décliner l'invitation à ce lynchage littéraire d'un homme dont au final on sait peu de choses.




17 févr. 2020





HAÏKU   Partie CXL

°°°°°°°°°

les hurlements du vent
les staccato de la pluie
- l'insurgé février


temps gris
pluie grise
grisons-nous !


grand vent du large
averses du ciel
- épousailles de février


plus de vent de pluie de froidure
le temps enfin nu
tout nu au soleil


le gris du ciel
le gris de la pierre
et le sourire des jonquilles





9 févr. 2020

Quelques wedding cakes en pagaille : 

°°°°°°°°°°
D'abord avec le thème d'Harry Potter :







Puis avec le thème des Lapins Crétins :





ou d'autres :











A très vite !

6 févr. 2020

" Le dernier des Justes "   de André Schwarz-Bart   12/20




      Selon l'antique tradition juive des Lamed-waf, qui d'après certains talmudistes remonterait au temps du prophète Isaïe, selon elle donc, le monde reposerait sur 36 justes, les Lamed-waf. S'il venait à en manquer un, l'humanité agoniserait, étouffée par trop de malheurs. Les Lamed-waf sont là pour catalyser toute la douleur du monde, afin que la vie des hommes puissent perdurer en allégeant leur afflictions cumulées.

      Ernie Lévy est le dernier maillon d'une lignée de Justes prenant sa naissance au XIIème siècle et s'achevant dans l'horreur d'un camp d'extermination.

      Ah, que je suis gêné, que je suis peiné ! Ce roman fait partie de ceux que j'aurais aimé admirer passionnément sans retenue, seulement le constat est sans appel : je me suis ennuyé ! Oh bien sûr, certaines pages sont épouvantablement sublimes, notamment celles du professeur Krémer, sacrifiant toute une vie de travail pour prendre la défense d'enfants juifs ; ou celles pleines d'abnégation et de courage où Ernie se dévoue pendant l'holocauste pour soutenir le moral d'enfants que la mort attend, jusqu'au coeur des chambres à gaz.

       Cependant, au regard de la trame narrative, tous les éléments étaient là pour en faire un grand livre. Il l'est certainement pour certains, mais je n'ai hélas, qu'à de rares moments, senti le vent de l'Histoire se confondre avec un embrasement littéraire. Trop de scènes traînent en longueurs exaspérantes, elles manquent cruellement de fièvre, se prélassant parfois dans une douce apathie ! Peut-être la manière de raconter, peut-être les angles choisis, peut-être la prégnance d'une passivité patente, peut-être ai-je trop recherché une compréhension rationnelle dans un récit qui relève plus du conte, loin d'une belle et tragique épopée.
      De surcroît, pourquoi tous les juifs du roman sont-ils exemplaires ? En effet, ils ne sont que sagesse et piété, fréquentant quotidiennement les synagogues d'Allemagne et de Pologne dans une foi aveugle. Leur soumission à la loi talmudique ou celle du pays où ils vivent est entière, jamais de doute, aucune remise en question de leur identité ni de leur croyance. Les épreuves qu'ils auront à traverser au fil des siècles : errances, persécutions, pogroms et holocauste, c'est Dieu qui les a voulu ! Sûrement pour être responsables de la mort du Christ ! Bah voyons ! Il est vrai qu'autant de docilité, de servilité et d'assujettissement, facilitant d'autant le travail d'extermination des nazis, m'ont quelque peu agacé. Il est pour moi terrible de le dire, mais des moutons amenés à l'abattoir sont moins soumis qu'eux. Heureusement, l'Histoire juive a eu ses exceptions avec la résistance du ghetto de Varsovie et la révolte du camp de Sobibor.

      Naturellement, la lointaine fin du livre (plus de 400 pages) est ce qu'il y a de plus émouvant, certes, le dévouement d'Ernie n'aura sauvé personne, mais nombreux, grâce à son merveilleux et ultime sacrifice, quitteront ce monde en croyant accéder à une vie infailliblement meilleure. Le courageux Ernie Lévy démontrera ainsi son appartenance au club fermé des Lamed-waf par sa vocation au martyr. Néanmoins, ce sacrifice ne vient-il pas, en tant qu'héritier d'une race maudite, de toute une famille qui l'a élevé dans une éducation religieuse, aussi stricte et honnête que sincère et vertueuse ? De la émerge logiquement une prédisposition à jouer un rôle exceptionnel face l'idéologie nazie. Ainsi, seul ce conditionnement forcené lui aura permis de faire de sa vie une offrande. Et aucun Dieu n'y est pour quoi que ce soit. Seul l'homme, par sa folie religieuse ou idéologique bâtit lui-même ses apocalyptiques excès, et le désastreux résultat peut se lire au travers des siècles, comme une ligne de sang continue, hier, aujourd'hui, comme malheureusement... demain. Pas besoin d'un Dieu hypothétique pour cela. L'Homme se suffit à lui-même. Je ne sais si cette perspective trottait dans la tête de l'auteur, toutefois, à la lecture de ce roman, cette piste apparaît de plus en plus comme une évidence.

      Le dernier des justes, par l'intermédiaire d'une lignée de justes, se lit comme une réflexion sur la mystérieuse aventure de la race juive, toujours traquée et persécutée au travers des époques. De beaux passages excusent quelque peu des longueurs et des répétitions qui alourdissent un propos qui n'en avait pas besoin. Avec cette poignée de critiques et à la vue de toutes celles dithyrambiques que j'ai lu, serais-je le premier des injustes ?