" Brooklyn " et "Long island " de Colm Toibin 15/20
Ecrit il y a 20 ans, Brooklyn nous racontait la jeunesse d'Eilis Lacey : 1950, à Enniscorthy en Irlande, comme beaucoup de jeunes femmes irlandaises de son âge, Eilis Lacey ne parvient pas à dénicher un emploi. Grâce à l'entremise d'un prêtre, on lui propose un job de vendeuse à Brooklyn, aux Etats-Unis. Poussée par sa famille, Eilis part s'exiler à contrecoeur outre Atlantique. Sur place, elle s'émancipe peu à peu ; loin du regard critique de ceux qui la connaissent depuis toujours, elle goûte à la liberté et savoure la modernité du nouveau-monde, bien loin des habitudes poussièreuses de son Irlande natale. Puis, lors d'un bal, Eilis rencontre un jeune homme bien sous tous rapports, mais un drame familial l'oblige à retraverser l'Atlantique. Son séjour à Enniscorthy se prolongeant quelque peu, elle se noue passionnément d'amitié pour une ancienne connaissance de jeunesse. Les hasards et coïncidences de la vie ont l'art de tout compliquer. Avec cette nouvelle possibilité qui s'offre à elle, Eilis ne sait plus quel chemin suivre. A quel pays appartient-elle dorénavant ? A quel jeune homme s'autorise-t-elle à donner son coeur ? Quelle vie souhaite-t-elle vraiment ? Est-ce vraiment elle qui décide ?
Le second roman, Long island, se déroule 20 ans plus tard. Eilis, âgée de 40 ans en 1970, devra se confronter à un nouveau choix, tout aussi difficile, la vie étant toujours si imprévisible. Volontairement je préfère ne pas divulgacher la suite, la surprise faisant partie intégrante du plaisir littéraire.
Récemment, Colm Toibin, ce grand auteur irlandais, m'avait déjà beaucoup impressionné lors de sa biographie de Thomas Mann intitulée, Le magicien. Aujourd'hui, il donne une suite à l'un de ses succès passé avec toujours le même questionnement sur les choix de vie, auquels tout le monde est confronté un jour ou l'autre. Pour raconter ces péripéties, il adopte le point de vue de chacun des protagonistes du triangle amoureux, néanmoins, la psychologie d'Eilis est la plus développée, plus affinée. Son drame, c'est d'être toujours tenue par sa forte identité irlandaise ; on ne peut jamais se couper de ses racines sans en souffrir un jour ou l'autre. Eilis aura à subir des tentatives de manipulations pour l'inciter à faire un choix, mais sa lucidité et son orgueil lui feront voir clair dans le jeu de ces influenceurs et influenceuses. Deux communautés se font face, conciliabules, secrets et faux-semblant sont au rendez-vous. La tension monte... pour notre plus grand plaisir.
Colm Toibin nous décrit la société irlandaise de 1970 qui se décorsète autour de la condition de la femme, même si des contraites sociétales demeurent : si d'aucuns n'est véritablement mal intentionnés, beaucoup contribuent à entraver les aspirations de son prochain. D'ailleurs, il y a de nombreux non-dits entre les personnages principaux, néanmoins des gestes, des attitudes, des pudeurs, des regards en disent infiniment plus qu'une parole emportée par le vent.
Avec ce récit d'une femme tiraillée entre deux hommes et deux continents, l'auteur prend plaisir à torturer notre envie d'en savoir plus, il manie le suspense avec délectation, il est habile en nous frustrant régulièrement, d'ailleurs la fin en est-elle vraiment une ? Personnellement je crois qu'un troisième tome nous sera proposé prochainement, peut-être pour faire à nouveau un bond de 20 ans dans le futur ? Un avenir proche nous le dira.
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