" Mésopotamia " de Olivier Guez 17/20
Avec cette admirable biographie romancée de la britannique Gertrude Bell, Olivier Guez rend gloire à une femme tombée dans les oubliettes de l'Histoire moderne. Pourtant, sans elle, la création de l'Irak aurait été autrement plus difficile, voire impossible. Cette héroïne tragique, issue d'une riche famille victorienne, fut une enfant adorée par son père (sa mère étant assassinée lors de son enfance), mais aussi incomprise, ses rêves de chevaucher le monde en stupéfiaient plus d'un, surtout venant d'une jeune femme. Son opiniâtreté lui a construit une carrière exceptionnelle.
Aventurière, géographe, archéologue, exploratrice, polyglotte, diplomate et espionne, Gertrude Bell eut un rôle essentiel dans la destinée du Moyen-Orient, du moins autant que la reine Zénobie... mais c'était au IIIème siècle. Idéaliste, dans sa forme la plus pure, à l'instar de son ami Lawrence d'Arabie, elle ambitionne, après que l'empire britannique ait chassé les ottomans de Mésopotamie pendant la première guerre mondiale, de créer un pays, sous mandat britannique, à partir de plusieurs tribus arabes, qu'elles soient sunnites ou chiites, en ce même lieu où est née l'écriture cunéiforme, où tant de civilisations se sont affrontées, et qui fut terre d'Abraham, du déluge, de Babylone. Ainsi naîtra l'Irak.
Aidé d'une documentation très fournie, Olivier Guez nous décrit un empire britannique obligé de s'emparer des sites pétroliers d'un Moyen-Orient afin de faire perdurer son éclat sur le monde. La première guerre mondiale va lui donner l'occasion rêvée. Ainsi née une ardente épopée avec jeux de pouvoir et négociations interminables entre britanniques, français, allemands et arabes, dans laquelle la participation de Gertrude Bell et Lawrence d'Arabie seront essentielles et déterminantes.
Sous la plume inspirée de l'auteur, apparaît le portrait d'une femme double : d'un côté dotée d'une énergie impérialiste, et de l'autre, amoureuse des civilisations originelles, pas encore salies et spoliées par l'arrivée tonitruante d'une modernité exterminatrice.
Cette femme multiple et inclassable mérite d'être connue, car, au-delà de son attirance irrépressible pour l'aventure, elle fut aussi une amoureuse éperdue ; Olivier Guez sait parfaitement rendre les répercussions de son amour immarcescible pour un illustre colonel anglais, cela donne une force supplémentaire à son portrait. Moi qui ne suis pas spécialement fleur bleue, cela m'a touché, voire ému.
Grâce à ce récit érudit, nous pénétrons dans les coulisses de l'Histoire, pas toujours aussi reluissantes qu'elles le devraient. Il en découle que les guerres d'hier, aux plaies mals recousues, sont à l'origine des conflits d'aujourd'hui. Quand l'Homme apprendra-t-il de ses erreurs ?
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