22 janv. 2025



" Les âmes féroces "  de Marie Vingtras   16/20
      
      Bienvenue à Mercie, cette ville de 4000 âmes, perdue dans un recoin des Etats-Unis. La vie y est paisible, presque endormie ; aucun drame ne vient ternir sa réputation de sérénité. Pourtant, un jour de printemps, sa légendaire quiétude va être mis à mal : le corps sans vie d'une jeune fille de 17 ans y est découvert, les jambes immergées dans la rivière coulant aux abords de Mercy. Le shérif de la localité, une femme aux allures hommasse, commence ses investigations, sous le regard critique de l'un de ses adjoints et du maire...

      Marie Vingtras tisse son récit sur un an. Au rythme des saisons, quatre protagonistes (deux hommes et deux femmes) très proches de la victime, détricotent les mailles du passé, prenant conscience des évènements, parfois insignifiant, qui ont permis à l'horreur de surgir là où rien n'aurait dû venir semer le trouble. Utilisant la forme du labyrinthe littéraire, l'autrice réussit l'exploit, par l'intermédiaire d'une construction habile et d'une plume agile, de ne pas nous perdre entre ces destinées meurtries par ses propres désirs et les inévitables pressions sociales.  
 
      Grâce à sa fascination pour la culture et la littérature anglo-saxonne, Marie Vingtras ne pouvait placer son histoire autrement qu'aux Etats-Unis, dans une petite ville isolé de tout. Dans ce huis-clos en extérieur, son récit y prend plus de force, plus de frustrations y naissent, plus d'ostracisme s'y déploie (Toute ressemblance avec l'Amérique de Trump n'est pas fortuite). Qu'ils le veuillent ou non, les personnages sont prisonniers de leurs mensonges, de leurs rancoeurs, de leur non-dits ; leurs instincts de survie fera le reste.

      Naturellement, l'enquête policière passe au second plan devant le portrait psychologique sans fard d'une ville et de ses habitants, dont les narrations ternissent peu à peu la douceur de vie spécieuse d'une communauté apparemment sereine. Ainsi, Marie Vingtras nous offre une représentation de la nature humaine dans sa rudesse parfois violente, poignante et insoumise. On a constamment de bonnes excuses pour faire ce que l'on fait, mais chacun voit le monde à l'aune de son passé, de son déterminisme social. La vérité est toujours infiniment multiple. De ce fait, l'autrice nous tend un miroir en recherche d'humanité, car ses âmes féroces, ne l'oublions pas, ce sont également les nôtres.

19 janv. 2025


 " La constance du prédateur " de Maxime Chattam   14/20

      Des profondeurs d'une mine abandonnée resurgisse du passé une multitude de cadavres de femmes. Quel infâme bourreau a pu se livrer à ce sordide et immonde travail ? Les enquêteurs l'ont surnommé Charon, soit le passeur des enfers qui fait traverser le Styx à l'âme des défunts afin qu'elles pénètrent dans le royaume de morts. Son mode opératoire reste un mystère, par contre sa signature est particulière : une tête d'oiseau nichée dans la partie intime des victimes.

      Après La conjuration primitive, La patience du diable et L'appel du néant, voici la quatrième enquête de Ludivine Vancker. Cette fois-ci la lieutenante de gendarmerie se fait recruter, en regard de sa perspicacité dans les enquêtes précédentes, par le DSC : le Département des Sciences du Comportement, en tant que profileuse. Comme dans tous les romans de cette série, peut-être encore plus avec celui-ci, le glauque, l'horreur et la perversion seront présents presque à chaque page. Public sensible s'abstenir.

      Le point fort de cet opus sont les différents portraits psychologiques, que ce soit à propos des différentes victimes ou avec Ludivine elle-même. Maxime Chattam nous plonge dans leur torture mentale avec un sens aigu de la psyché de chacun. Ainsi, comment appréhender l'effroyable ? Puis comment vivre avec ?

      En toile de fond, on imagine l'auteur toujours passionné par l'origine du mal, ce mal qui ne laisse aucune place à la moindre humanité. Assurément, comment un être humain peut-il à ce point nier la moindre once d'altruisme, la moindre part de pitié, la moindre parcelle philanthropique ou la moindre bribe de sensibilité ? 

      Malgré les différents éléments, macabres ou pas, de la première partie, le roman peine à démarrer, à l'instar de l'enquête, il faut patienter un grand nombre de pages avant de voir notre attention se réveiller, néanmoins, une fois la machine en route, plus rien ne l'arrête jusqu'au dénouement.

      Mes bémols se nicheront sur les motivations primitives du tueur en série et sur sa cellule familiale extrémiste qui me semble hautement farfelues et fortement peu crédibles. A force de vouloir toujours mettre la barre plus haut, Maxime Chattam flirte allégrement avec les limites d'un certain réalisme. Je veux bien qu'objectivement l'horreur n'aie pas de limites, cependant sans nuances, tout prend la même couleur : le noir des ténèbres ou le rouge du sang.

      Certes, l'originalité, l'intrigue, la psychologie et la noirceur sont bien présentes, néanmoins la complexité excessive et abracadabrantesque des origines du mal gâche un chouilla la lecture.


8 janv. 2025

 Voici mes toutes dernières réalisations patissières originales, l'heure de la retraire ayant sonnée.



























Voilà, ma carrière s'achève, laissons la place aux jeunes. Merci de m'avoir suivi ; au revoir !

2 janv. 2025


 " Le roman du désert "   de Philippe Frey   17/20

      Que ce soit Lawrence d'Arabie, Jésus, Mahomet, Schéhérazade, Charles de Foucauld ou Antoine de Saint-Exupéry, tous ont pour point commun : le Désert. Tous y ont vécu, tous y ont été fasciné. Pourtant la vie y est rude et austère ; chacun peut ainsi s'y révéler à lui-même.

      Pour bien des raisons différentes, ces personnages ce sont confrontés à la survie dans un espace hostile, ils ont tenté de comprendre les tribus de bédouins qui y vivent, seules aptes à supporter ces conditions de vie extrêmes, comment font-elles ? Tout simplement en ne cherchant jamais à dompter le désert, il faut au contraire s'adapter à lui, faire signe d'humilité, accepter ses colères et son caractére excessif, que ce soit la brulure du soleil de midi, la froidure gélive de ses nuits ou ses folles tempêtes de sable.

      Qu'ils soient aventuriers, moines ou prophètes, ils devront humblement se plier à ce mode de vie ; comme la mer, le désert rend modeste, aucun roi, aussi puissant soit-il, ne pourra le détrôner. Il règne sur lui-même et n'a aucunement besoin de l'homme pour l'admirer ou le dompter, il est là, incommansurable, beau et redoutable, c'est tout.

      La plume de Philippe Frey, elle aussi se fait humble, elle réussit, sans coup d'éclat, à nous transmettre les sensations liées au désert. De Damas à Tamanrasset, de La Mecque à la Mer morte, en passant le désert du Néfoud à celui de Lut, elle se balade et furète au rythme des vents chauds et de la vie aventureuse des protagonistes qu'elle lie par un cordon magique.

      Ce qui m'a profondément plu, en dehors des fragments de biographie, concerne la pudeur ou la simplicité qui gravite autour des personnages, en effet chacun d'eux est observé depuis une échelle humaine, avec ses qualités et ses défauts, pas besoin de divin ou de surnaturel.

      A vous de partir vous dépayser, de sentir la morsure vorace du soleil, parmi ces lieux les plus inhospitaliers au monde. Bon voyage.