29 janv. 2015


" Une fille de la campagne " d'Edna O'Brien 12/20



Née en 1930 au fin fond de l'Irlande (comté de Clare), Edna O'Brien publie son premier roman en 1960 intitulé "Les filles de la campagne". Rapidement le livre est interdit en Irlande pour cause d’obscénité. Ce scandale signera bruyamment son entrée dans le monde de la littérature, car devant l'adversité, elle ne baissera jamais les bras. En effet à force d'obstination et d'opiniâtreté, elle vivra sa vie comme une lutte. Aujourd'hui à plus de 80 ans, elle nous propose son autobiographie, avec naturel, tendresse, sensibilité et une grande lucidité. 

D’après ses mémoires, l'un de ses combats les plus féroces fut contre cette Irlande catholique du début du XXème siècle, gonflée outrancièrement de ses lourdes traditions et croyances, voulant annihiler toute autre forme de pensée. D'ailleurs elle explique sa fuite hors de son pays natal, comme " une répugnance à vivre en Irlande à cause de son étroitesse d'esprit et de la pesanteur de la censure."

En 1954, elle épouse un écrivain irlando-tchèque Ernest Gébler, il partiront vivre à Londres et auront deux enfants. Mais supportant de moins en moins les velléités d'écriture de sa moitié, le couple se séparera en 1964. D'où de nouveaux combats pour obtenir la garde de ses enfants, devant un ancien mari retors à souhait.

Dès lors, sa vie battra au rythme de rencontres artistiques ou politiques avec l'intelligentsia du moment. Elle croisera entre autre : Richard Burton, Robert Mitchum, Paul McCartney (qui ira jusqu'à chanter une chanson à l'un de ses fils pour son anniversaire), Samuel Beckett, Jackie Onassis, etc...

Elle fera souvent le tour du monde, pour présenter ses romans, avec une nette préférence pour New-York. Elle tâtera quelques drogues, suivra une thérapie, s’installera quelques années à Donegal : la pointe nord-ouest de l'Irlande, se fera critiquer par certain écrivain pour ses amitiés avec certains membres de l'IRA, bref Edna O'Brien vivra mille vies ! 

Cependant, toute cette profusion de noms fait qu'on s'y perd, puis qu'on s'y noie. Nul doute que certain en seront heureux, mais moi, j'ai besoin d'un minimum de fondation, car l'abstraction n'est pas loin ! En effet, parfois on ignore totalement la période racontée. Parfois on est frustré de certaines rencontres qui s'achève en eau de boudin. Parfois le manque d'information sur ces entrevues apparemment importantes, me laisse pantois. Parfois je tombe sur des phrases dont le sens m'échappe entièrement, étrange ! (Quand ce ne sont pas des paragraphes !). Oui, effectivement, il y a à boire et à manger, un tri s'impose. Dommage. Mais heureusement quand elle parle de la nature, cette nature si sauvage, si ventée et si caractérielle, elle devient grandiose et nous emporte lyriquement.

Véritable hommage à la liberté, ce livre est celui d'une femme courageuse et indépendante. Tout fut loin d'être facile face au phallocentrisme ambiant de l'époque. Ses espoirs, ses doutes, ses souffrances, constellent ce récit d'un kaléidoscope de ressentis parfois douloureux, parfois triomphant.

Edna O'Brien restera comme une femme, qui, à l'instar de Colette, fut toute sa vie pleine d'ardeur et d'intransigeance. Son oeuvre est à lire pour mieux saisir ce qu'une bio trop nébuleuse nous laisse entrevoir.

26 janv. 2015


" Certaines n'avaient jamais vu la mer " de Julie Otsuka 12/20


Au début du XXème siècle, des milliers de japonaises ont tout abandonné pour épouser aux Etats-Unis, sur la foi d'un portrait, ce qu'il faut bien appeler : un inconnu ! Celui dont elles ont tant rêvé, et qui va tant les décevoir.

Ce livre se positionne comme un chorus, porté par mille voix qui s'élèvent dans la tourmente d'une société en mutation, pour raconter l'exil irrémédiable. D'abord une mémorable traversée du Pacifique, l'arrivée en terre californienne, puis la rencontre avec le promis, qui se transforme bien souvent en amère déception (là où certaines devaient épouser un banquier, elles n'ont droit qu'à un simple paysan), ensuite vient la nuit de noces (douloureuse et avilissante), les interminables et exténuantes journées aux champs, et surtout cette langue revêche, si étrangère à ces très jeunes et pauvres exilées. 

Après passé de longs moments d'humiliation et de souffrance, certaines joies fugaces apparaissent aux détours des jours qui coulent. Comme la prise d'un point d'appui après ce traumatisant déracinement. Malheureusement nous sommes en 1941, et le 7 décembre, les forces japonaises sans aucune déclaration de guerre, ruinent leur maigre espoir en bombardant Pearl Harbour. Dés lors, considérées comme ennemies aux yeux de la population locale, elles seront victimes d'injustes soupçons d'espionnage. Puis d'innommables dénonciations pour trahison, gâcheront définitivement leur présent. Par ordre de l'état, elles finiront par être déplacées une nouvelle fois. Est-ce pour être établies ailleurs ? Où ? La question reste posée aujourd'hui encore ! Car apparemment, on ignore ce qu'elles sont devenues !

Ce fait historique, et surtout le rejet par la population locale de cette immigration n'est pas sans faire écho à ce que nous connaissons aujourd’hui en France. Mais une réflexion s'impose, surtout quand certaines personnes, une fois les "étrangers" partis, avouent regretter leur départ, rapport à la qualité inégalée du travail qu'elles fournissaient. 

Cet épisode tragique de ces jeunes immigrées japonaises est très peu connu, d'où la pertinence de Julie Otsuka de l'écrire, soit, mais le mode de narration privilégiant le "nous" me laisse un rien déboussolé. Certes, je conçois qu'il fait davantage ressentir la solidarité, l'obstination et l'opiniâtreté de ces jeunes femmes abusées,  néanmoins, il devient dès lors très difficile, de ressentir une empathie légitime pour ces victimes.

Même si les phrases sont précises et simples, sans pathos excessif, ce mode de narration s'apparente à une litanie, qui finit par faire naître une certaine lassitude, que l'on regrette amèrement de ressentir à la vue du tragique sujet traité. Malgré tout, cette double originalité (sujet et style) ne manquera pas d'étonner profondément le lecteur, qui n'oubliera pas de sitôt ce livre, contrairement à tant d'autres !



23 janv. 2015


" Rien de grave " de Justine Lévy 16/20




Fille de BHL, Justine Lévy nous narre de façon à peine romancé sa passion amoureuse avec Adrien, qui n'est autre que Raphaël Enthoven. On connaît la suite, avec la fuite de son mari dans les bras de Carla Bruni, qui vivait elle jusqu'alors, avec le propre père de Raphäël. L'histoire a défrayé la chronique des journaux à scandale à l'époque.

Justine Lévy, dans un style direct et sans vergogne nous raconte cette trahison, cette fourberie. Tout part d'un magistral manque de confiance niché au plus profond d'elle même, comme une impossibilité de vivre normalement, provoquant inévitablement d'innombrables lâchetés. Puis, un avortement pris à la légère, annihilera ses espoirs secrets, ses désirs profonds, engendrant une plongée dans le monde des amphétamines, d'où l'éloignement de son mari, peu enclin à supporter ces états d'âmes. Dépression, maison de repos, divorce, tout est évoqué, pour s'achever sur la rencontre salvatrice avec Pablo ( Patrick Mille), l'homme qui lui donnera deux enfants, source d'équilibre ? Rien n'est jamais gagné !

Certes, j'admets aisément que l'on peu ne pas se sentir concerné par ces mésaventures amoureuses de pauvre petite fille riche, mais ici, outre les répliques cinglantes qui font sourire, oui ici le style prime. C'est lui qui donne le ciment de l'ensemble, c'est lui qui nous emporte agréablement dans une rivière de mots, c'est lui qui tourbillonne, qui oscille, bref, qui charme son lectorat. D'ailleurs, Philippe Djian dit toujours que pour lui, ce qui compte avant tout dans un roman, c'est son style, rien que cela, ajoutant que si l'on veut lire de bonnes histoires, on n'a qu'à acheter des journaux !

Indubitablement pour Justine Lévy, le fait d'étaler son histoire sur le papier s'identifie à une catharsis, afin de tenter de maintenir la tête hors de l'eau, ce livre, c'est sa bouée de sauvetage. 

Cette fragilité naturelle effleure son écriture, la tourmente d'une urgence fiévreuse, j'ai l'impression de lire ici l'écriture d'un colibri, tant transpire entre les lignes : vulnérabilité, faiblesse, précarité et instabilité.

Mais si le style vous horripile, si l’empathie vous agace, et que le mot mansuétude ne soit pas dans votre vocabulaire, passez votre chemin, vile gredin !



19 janv. 2015


" Les mensonges des intégristes " de Latifa Ben Mansour 14/20


En ces temps fort troublés, ce livre est comme un phare qui projette des pelletées de lumière dans les ténèbres de l'obscurantisme que tente de nous imposer d’innommables islamistes.

Parmi ces jets de vérité, Latifa Ben Mansour (chercheur en linguiste et psychanalyste) nous raconte qu'en 623 le prophète Mahomet dicta et signa le pacte de Médine, dans lequel il fixait les droits et les devoirs des tribus juives en terre musulmane, afin que tous puissent vivre en bonne entente. Puis en 632, il signa le pacte de Najran, avec les chrétiens du Yèmen, toujours par souci de vivre ensemble. 

Pour parler de la place des femmes dans la société musulmane, Latifa Ben Mansour nous narre l'histoire des perles du Hidjaz et des Quraych, ces femmes qui furent les mécènes des poètes, des musiciens, et qui refusèrent de porter le voile. D'autres encore comme Oum Kalsoum, qui furent chanteuses, musiciennes, et que les membres extrémistes du Daech voudraient faire taire définitivement au nom du prophète.

Latifa Ben Mansour termine son essai avec l'émir Abd El Kader qui  en 1860 sauva 12 000 chrétiens des foudres du pacha de Damas, qui, révolté par un décret impérial de la Porte Sublime proclamant l'égalité en droit et en devoir de tous les chrétiens de la région, fomenta un massacre à grande échelle des chrétiens du Liban et de la Syrie.

En spécialiste de la question musulmane, Latifa Ben Mansour nous ouvre les yeux sur un peuple et une religion, qui sont loin d'être de démoniaques sanguinaires.

De son message humaniste découle que l'ignorance génère la peur, et que le mensonge engendre la violence.  Comment combattre cette inculture responsable de tous les fous de Dieu ? En éduquant, en instruisant, en enseignant inlassablement, afin de déchirer ce rideau ténébreux, sous lequel tant de conneries sont dîtes.

Par ailleurs, elle fustige avec talent, les critiques gifflantes portées sur elle par Vincent Geisser et Tariq Ramadan, ses réponses cinglantes et ignées, renvoient assurément ces perfides langues à leur étude.

Seul bémol, l’essayiste se perd parfois dans des circonvolutions précieuses à ses yeux, mais qui noient un lectorat peu au fait de la religion musulmane. Il aurait fallu, pour une plus grande facilité de lecture, aérer son écriture savante par quelques digressions, comme le fait si brillamment Emmanuel Carrère dans " Le royaume " (dont j'ai parlé très récemment).

Même si l'abscondité de son trait m'a parfois fait souffrir, qu'elle continue d'éclabousser la noirceur des temps de son érudition solaire et salutaire.


13 janv. 2015


" Le royaume " d'Emmanuel Carrère  18/20


Cela fait un bien fou de se hisser sur les épaules d'un géant, d'élever son point de vue, hors des embrouillaminis de bas-étage, d'enfin pourvoir remettre des connaissances ancestrales en perspective, de les exposer sous une lumière scialytique, pour se les réapproprier avec, si j'ose dire : " Intelligence ".

Emmanuel Carrère vient avec le thème de son dernier livre, d'étonner ses lecteurs, pensez-donc : les premiers temps du christianisme ! Traités à la façon d'un péplum à travers deux célèbres personnages bibliques : d'abord l'apôtre Paul de Tarse qui fut métamorphosé spirituellement sur le chemin de Damas, et Luc, médecin, qui fut son compagnon de route, et surtout connu pour avoir écrit l'un des quatre évangiles.

Clarifions tout de suite les choses ; à l'automne 1990 Emmanuel Carrère est comme il dit "touché par la grâce", il fréquenta alors assidûment le monde catholique, allant tous les jours à la messe, priant, se confessant, communiant, et, remplissant avec ferveur des cahiers de commentaires des versets de l'évangile selon saint Jean, d'ailleurs si l'un de ses fils s'appelle Jean-Batiste, ce n'est pas un hasard. Puis, trois ans plus tard c'est le drame, il attrapa ce qu'il faut bien appeler : une crise de foi ! Depuis, il vit en parfait agnostique.

Choisissant, comme point de départ, ses propres interrogations spirituelles, il nous ballade dans les pays méditerranéens orientaux, autour de l'an 50 après Jésus Christ, mais bien sûr à l'époque, personne ne se doute alors qu'il vit après Jésus Christ !  Cette antiquité, Emmanuel Carrère, nous la restitue avec un regard affûté et plein d'humanité. Tel un historien, il mène une enquête sur une période remontant 2 000 ans en arrière, à partir de l'essentiel de la documentation existant à ce jour, ce travail titanesque, rien que pour sa rédaction, lui prendra 7 ans ! 

Le résultat final est largement à la hauteur. J'irais même jusqu'à dire, que l'on ne peut pas en ressortir indemne, d'ailleurs ce livre est  comme une invitation à mieux découvrir cette période et celles qui l'ont suivie, car l'on se rend vite compte que si Jésus n'avait pas été crucifié, si l'apôtre Paul n'avait pas fait un prosélytisme à tout va, s'attirant les foudres des apôtres Jacques et Jean, et si l'empereur Constantin ne s'était pas converti au christianisme, le christianisme se serait éteint tout seul, de sa belle mort, comme tant d'autres sectes, qui sont nées dans cette antiquité fourmillante de croyances aléatoires.

Arrivées jusqu'à nous, les lettres de Paul adressées aux pharisiens, aux corinthiens, aux thessaloniciens, etc... ne sont que des copies de copies, car il n'existe aucune lettre originale qui n'ait traversé le temps. Emmanuel Carrère, devant leur apparence parfois sibylline tente un décorticage, dont la légitimité découle de sa multitude de sources, nous révélant le sens profond, le sens caché, car aucune n'est anodine et bien qu'écrites il y a 20 siècles d'ici, elles répondent bien souvent de façon troublante à l'actualité du moment. 

De même, certaines paroles de Jésus ou des quatre évangiles sont loin de raconter l'histoire de façon identique. De tout évidence, à partir d'une phrase prononcée ou écrite, des interprétations multiples et donc fallacieuses naissent. D'où cet écumage salvateur. Oh, je ne dirais pas que tout ce raconte ce livre n'est que vérité absolue, surtout quand il se propose de combler les trous laissés vacants par les textes antiques, mais ces explications ont au moins l'honnêteté d'être impitoyablement logiques, et c'est déjà beaucoup.

Soyons honnêtes, ce livre est assez exigeant à l'égard du lecteur, car il brasse non seulement une grande quantité d'informations, mais aussi de réflexions. Cependant afin de faciliter son assimilation, Emmanuel Carrère nous donne d'innombrables portes de respirations, sérieuses, drôles et mêmes provocantes. C'est aussi par ces digressions jouissives que l'auteur crée un enthousiasme certain.

En ces temps où la folie des extrémismes religieux fait la une des journaux, cette oeuvre apporte une sagesse salvatrice, et tente de briser les frontières de nos cœurs, que l'on soit fidèle ou sceptique. Comme deux mains se tendant vers l'autre : à défaut d'aimer, il serait plus que souhaitable de respecter.

Ce livre compte 630 pages, est-ce un hasard de stopper son récit avant la fatidique page 666, celle dont le nombre s'identifie comme celui du malin ?  

On a du mal à ranger ce livre dans une catégorie : il aurait dû recevoir le Goncourt, mais il n'était même pas sur la liste des prétendants, un comble ! Ces messieurs du jury possèdent un grand défaut, celui de faire plus attention au nom de l'écrivain qu'à l'oeuvre qu'il a écrit. Dommage !

Merci monsieur Carrère, pour ce travail colossal !

6 janv. 2015


" Emprise " de Marc Dugain 15/20


L'auteur nous propose dans ce roman (brûlot) glaçant, une plongée dans le monde politique actuel, au travers d'un prétendant à l'élection présidentielle avide d'un pouvoir qu'il ne veut laisser à personne, d'un président de groupe industriel, indéboulonnable de son poste grâce à son réseau et à ses dossiers, d'un syndicaliste accusé d'un double meurtre sur sa femme et son fils, d'une membre des services secrets obnubilé par son fils autiste, d'une photographe chinoise voguant allègrement d'un lit à l'autre au gré de ses intérêts personnelles et financiers, etc...

Ce roman oscillant entre politique et thriller : c'est le bal de la fourberie, du cynisme débridé, où l'intérêt personnel passe naturellement en priorité et où l'immoralité se voit élever en valeur suprême. Tous les instincts les plus infâmes prennent cyniquement une place de choix. Comme une sorte d'anti-monde des bisounours !

Si vous vous faisiez encore des idées sur nos grands dirigeants, après cette lecture, vos espérances, votre mansuétude vont exploser en plein vol, plombant votre moral pour un bon moment.

Car la force intrinsèque de ce roman ; c'est de s'inspirer de faits d'actualité et de personnages publiques réels, pour rendre justement extrêmement crédibles, les situations narrés.

La manipulation, cette pieuvre invisible qui régit la pyramide, agit à tous les niveaux. Soyons-en conscients : toute progression dans ces milieux ne se paye qu'en renvoie d’ascenseur, c'est la seule condition pour avoir une chance de rester à la table de ces hauts dirigeants. Honte de notre système démocratique.

Puisque, même s'il ne s'agit que d'un roman, ce regard froid que porte Marc Dugain, nous amène obligatoirement à poser cette grille de lecture sur nos élites actuelles. Et là, en lisant entre les lignes, cela devient implacable de réalisme ! Tant les véritables intentions transpirent de vérité.

L'écriture est limpide et efficace, tranchante. Les dialogues percutant et ciselés. Rien à redire. Par contre, l'intrigue emberlificotée à souhait, risque de finir par perdre de temps en temps l'attention de son lectorat. Voulu ou pas, en tout cas, il y a peu de chance pour qu'un lecteur avisé puisse deviner le rebondissement final.

Bref, un livre écrit au vitriol, au premier degré, qui gifle nos dirigeants, et qui restera à mes yeux, comme une pierre bien encombrante dans le jardin de notre pauvre démocratie.

5 janv. 2015

" Dans le jardin de l'ogre " De Slimani Leïla 14/20


Adèle, femme de 35 ans, journaliste, marié à un médecin, aurait tout pour être heureuse : un fils, un mari aimant... tout. Pourtant, c'est une femme terriblement insatisfaite. Telle une certaine Madame Bovary ! Ses soucis viennent de son propre corps qui lui revendique une indépendance liberticide. Impuissante devant cette force destructrice, elle n'aura jamais la volonté d'y opposer une résistance ferme. Inévitablement cette sexualité compulsive va la mettre en danger, puis la broyer, et inéluctablement la perdre.

Un temps elle tentera de se maintenir à la surface grâce à son fils, mais son désir transgressif pour d'autres corps ne cessera de l'aspirer vers les abîmes de la perdition. Dés lors, ce parcours s'identifiera à une descente aux enfers.

Car ces innombrables infidélités finiront par être découvert par son mari, qui, anéanti dans un premier temps par cette révélation, mettra tout en oeuvre pour secourir son épouse, en l’éloignant de la ville et de ces tentations et ainsi tenter de la sortir de cette vive névrose dépressionnaire. D'ailleurs, ne souhaitait-t-elle pas finalement être démasquée ?

Cette pathologie de la nymphomanie, gicle sous les yeux du lecteur comme une pulsion immodérée, mais là où un écrivain aurait pu en profiter pour faire glisser son récit dans une narration provocatrice et vulgaire, voire pornographique, Slimani Leïla louvoie et cible le ressenti de cette souffrance. En évitant également tout un discours moralisateur, elle élève le débat, en parlant ouvertement de ce dérèglement de nos pulsions.

Néanmoins, je ne peux que m'étonner du sujet de ce premier roman quelque peu osé ! Que nous réservera-t-elle pour le second ! Certes l'effet de curiosité fonctionne à fond, d'autant que cette jeune écrivaine, avec son jolie minois, attire inexorablement le regard.

Mais je m'écarte ici de considérations littéraires, d'autant que sa plume est alerte, soignée, ciselée et directe. Un plaisir de lecture.

Cependant, à parcourir ces courts chapitres, j'ai comme l'impression que le roman comportait au départ beaucoup plus de pages, et que, dans un souci de concision, l'auteur ou l'éditeur l'on édulcoré pour n'en garder que la substantifique moelle. 

Gonfler le passé des personnages principaux, notamment sur l'apparition et la gestion de la maladie d'Adèle avant l’apparition de son mari, aurait me semble-t-il apporté un bonus au récit, englobant et dilatant ainsi un sujet aussi fort que scabreux. Dommage.

Mais pas de doute, elle aura marquée à sa façon bien personnelle et un chouilla dérangeante la rentrée littéraire. Beaucoup de lecteurs attendront, à n'en pas douter avec une impatience certaine, la parution de son second roman.