" Une fille de la campagne " d'Edna O'Brien 12/20
Née en 1930 au fin fond de l'Irlande (comté de Clare), Edna O'Brien publie son premier roman en 1960 intitulé "Les filles de la campagne". Rapidement le livre est interdit en Irlande pour cause d’obscénité. Ce scandale signera bruyamment son entrée dans le monde de la littérature, car devant l'adversité, elle ne baissera jamais les bras. En effet à force d'obstination et d'opiniâtreté, elle vivra sa vie comme une lutte. Aujourd'hui à plus de 80 ans, elle nous propose son autobiographie, avec naturel, tendresse, sensibilité et une grande lucidité.
D’après ses mémoires, l'un de ses combats les plus féroces fut contre cette Irlande catholique du début du XXème siècle, gonflée outrancièrement de ses lourdes traditions et croyances, voulant annihiler toute autre forme de pensée. D'ailleurs elle explique sa fuite hors de son pays natal, comme " une répugnance à vivre en Irlande à cause de son étroitesse d'esprit et de la pesanteur de la censure."
En 1954, elle épouse un écrivain irlando-tchèque Ernest Gébler, il partiront vivre à Londres et auront deux enfants. Mais supportant de moins en moins les velléités d'écriture de sa moitié, le couple se séparera en 1964. D'où de nouveaux combats pour obtenir la garde de ses enfants, devant un ancien mari retors à souhait.
Dès lors, sa vie battra au rythme de rencontres artistiques ou politiques avec l'intelligentsia du moment. Elle croisera entre autre : Richard Burton, Robert Mitchum, Paul McCartney (qui ira jusqu'à chanter une chanson à l'un de ses fils pour son anniversaire), Samuel Beckett, Jackie Onassis, etc...
Elle fera souvent le tour du monde, pour présenter ses romans, avec une nette préférence pour New-York. Elle tâtera quelques drogues, suivra une thérapie, s’installera quelques années à Donegal : la pointe nord-ouest de l'Irlande, se fera critiquer par certain écrivain pour ses amitiés avec certains membres de l'IRA, bref Edna O'Brien vivra mille vies !
Cependant, toute cette profusion de noms fait qu'on s'y perd, puis qu'on s'y noie. Nul doute que certain en seront heureux, mais moi, j'ai besoin d'un minimum de fondation, car l'abstraction n'est pas loin ! En effet, parfois on ignore totalement la période racontée. Parfois on est frustré de certaines rencontres qui s'achève en eau de boudin. Parfois le manque d'information sur ces entrevues apparemment importantes, me laisse pantois. Parfois je tombe sur des phrases dont le sens m'échappe entièrement, étrange ! (Quand ce ne sont pas des paragraphes !). Oui, effectivement, il y a à boire et à manger, un tri s'impose. Dommage. Mais heureusement quand elle parle de la nature, cette nature si sauvage, si ventée et si caractérielle, elle devient grandiose et nous emporte lyriquement.
Véritable hommage à la liberté, ce livre est celui d'une femme courageuse et indépendante. Tout fut loin d'être facile face au phallocentrisme ambiant de l'époque. Ses espoirs, ses doutes, ses souffrances, constellent ce récit d'un kaléidoscope de ressentis parfois douloureux, parfois triomphant.
Edna O'Brien restera comme une femme, qui, à l'instar de Colette, fut toute sa vie pleine d'ardeur et d'intransigeance. Son oeuvre est à lire pour mieux saisir ce qu'une bio trop nébuleuse nous laisse entrevoir.