24 févr. 2025


 " Le diable tout le temps "   de Donald Ray Pollock   18/20

      De l'Ohio à la Virgine-Occidentale, de la fin de la seconde guerre mondiale aux années 60, de l'amour le plus puissant à la haine la plus farouche, Donald Ray Pollock nous propose le destin d'une poignée de protagonistes abimés par les hasards d'une vie sans relief.

      Williard Russell revient entier de la guerre du Pacifique contre les japonais, néanmoins il est hanté par des visions d'horreur ineffables. Après dix ans de mariage, sa femme adorée tombe gravement malade. L'esprit encombré d'une religion mal assimilé, il est prêt à toutes les aberrations pour la sauver. Son fils Arvin assiste à son combat délirant pour essayer de guérir sa mère, tant pis s'il en sort traumatisé. Carl et Sandy Henderson forment un duo diabolique qui arpente les routes à la quête de jeunes auto-stoppeurs à photographier, mais pas que. Roy est un prédicateur convaincu de posséder le pouvoir exceptionnel de ramener les morts à la vie. Chacun se fourvoie, chacun se perd.

      Quelle folie a pu s'emparer de ces personnages pour qu'ils agissent ainsi, sans la moindre moral, ni retenue. Qui ose encore évoquer l'idée d'une amérique puritaine ? Laissez-moi rire. Sur la face A peut-être, mais sur la face B une abomination l'habite. Donald Ray Pollock excelle pour nous raconter ces destins sordides, perdus dans des solitudes vides de sens. Tel un chef d'orchestre, il crée une symphonie horrifique, aussi noire que disparate, dans le dessein de tout réunir au final dans une apothéose libératrice. 

      L'auteur pose son cadre dans l'Amérique profonde des années 50, 60. Il parvient à nous faire ressentir des montagnes de frustrations, de haine intériorisée, de désirs inassouvis, où ses protagnistes vont tenter de se libérer frontalement. Et que dire de la religion où chacun y trouvera une excuse pour agir. Cette religion de façade bien utile pour commettre l'innommable. Le diable aurait-il réussi à tout investir ?

      Peu de raison d'espérer dans ce roman où le diable mène une danse infernale, à peine un rayon de lumière vient-il s'inviter à la dernière page, mais à quel prix ? Celui d'une séparation inéluctable et douloureuse. 

     Certes, l'auteur nous décrit avec une infime empathie tous ces perdants loin d'être magnifiques, ces laissez-pour compte, ces paumés, ces fanatiques, ces oubliés de la vie, néanmoins, tous ne sollicitent que trop peu la volonté de sortir de l'ornière, le diable tend des bras si longs, si puissants.

     Ce roman doit être lu pour prendre conscience, une fois de plus, mais jamais une fois de trop, jusqu'à quel point la bête qui sommeille en chacun de nous, caché sous un monceau de frustrations, peut se réveiller un jour ou l'autre, et commettre l'abject.

      La plume et la prose de Donald Ray Pollock est habile et fluide, elle nous entraîne dans une lecture addictive, dont la dernière page arrive trop vite. Pour un premier roman, c'est une réussite. Diable ! Il est doué ce Pollock, aurait-il signé un pacte avec le diable ?


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