" Au vent mauvais " de Kaouther Adami 12/20
Leïla, Tarek et Saïd grandissent à l'Est de l'Algérie dans les années 1920. Leïla, mariée à 13 ans contre son gré, décide de partir avec son fils et de retourner vivre chez ses parents, dans une réprobation générale. Né pauvre, Tarek devient un simple berger, toujours discret et timide, il est frère de lait de Saïd, né d'une famille aisée, parti en Tunisie poursuivre des études. Tous deux sont secrètement amoureux de Leïla.
Avec ce roman en partie biographique - en effet on apprendra en dernière page que Kaouther Adami nous raconte la vie de ses grands-parents maternels - nous suivons trajectoire de trois protagonistes bousculés par l'histoire de leur pays : l'Algérie. En 80 ans, entre espoir et tragédie, ils affrontent la colonisation, la lutte pour l'indépendance et la guerre civile débutée en 1992 et qui durera 10 ans. Ces destins abîmés, brisés, disloqués, auront peu de choses auxquelles s'agripper pour ne pas défaillir : leurs enfants et le magnifique ciel algérien.
Ce roman interroge le pouvoir de l'écrivain d'utiliser le réel, en s'imprégnant du lieu de vie et des noms d'hommes et de femmes ayant existés, juste pour faire oeuvre. Sans se préoccuper de l'effet néfaste que cela peut avoir sur leur destin. Ainsi, la littérature vue principalement comme libératrice, peut-elle elle aussi souffler tel un vent mauvais ? Ce récit questionne également les traditions ancestrales, les anathèmes lancées à la vindicte populaire, la stupidité de leur soi-disant bien fondé, et tous ces troupeaux d'écervelés qui ne savent penser par eux-mêmes, qui ont besoin d'une caution morale pour agir. Par opposition, Tarek est un homme effacé au début, restant silencieux face aux soubresauts du destin, mais vite il suivra une belle évolution psychologique, sa rencontre avec le réalisateur italien Gillo Pontecorvo va orienter sa destinée au point de débarquer un jour à Rome pour devenir le gardien d'une villa paradisiaque. Il sera profondément ému et bouleversé par le beau, par l'art, jusqu'à ne plus avoir envie de rentrer au pays. Cette parenthèse enchantée en dit long sur toutes ces personnes qui pensent que l'art n'est pas pour eux, qu'il s'adresse uniquement aux érudits. Tant de préjugés à démonter, la tâche est énorme, mais œuvrer en ce sens en plus qu'honorable.
Kaouther Adami manie le sens du détail autant que l'art de l'ellipse, cela peut se comprendre dans certaine histoire, mais quand en quatrième de couverture on nous parle de grande fresque de l'Algérie, je suis désagréablement surpris, il me manque des pans entiers, tout est survolé, enjambé, parcouru à vitesse hypersonique ! Pensez-donc : parlez de saga en seulement 250 pages, et je compte les blanches !?! De surcroît, le personnage de Saïd est quasi inexistant, il apparaît au début avant de faire une courte réapparition entre deux pages, pourtant son influence est l'un des moteurs du roman. Le faire exister un peu plus aurait bénéficié à l'ensemble, dommage.
Fresque familiale, Au vent mauvais mêle les petites histoires à la grande, dans un souci de concision époustouflant mais malheureusement frustrant.
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