" La cour des mirages " de Benjamin Dierstein 13/20
Avec l'élection de François Hollande en mai 2012 et le triomphe de la gauche, ce sont les purges anti-sarkozystes qui ébranlent les différents ministères, en particulier au sien du ministère de l'intérieur. Ainsi, la commandante Laurence Verhaeghen quitte la DCRI pour la brigade criminelle de Paris, au fameux 36 quai des orfèvres. Elle est rejointe par un ancien collègue Gabriel Prigent, toujours sérieusement hanté par la disparition de sa fille, six ans plus tôt.
Dès leur retour au 36, ils sont confrontés à une scène de crime effroyable : un cadre politique a massacré sa femme et son fils avant de se pendre. L'enquête débouchera sur des réseaux criminels et pédophiles, sur la prostitution de luxe et sur l'évasion fiscale.
D'emblée, ce qui me frappe est l'écriture de Benjamin Dierstein. Il copie celle de James Ellroy : des phrases courtes, un rythme saccadé, un style immersif. D'ailleurs l'auteur ne s'en cache pas, sa vocation d'écrivain lui est venue après avoir lu Ellroy. Très bien. Malheureusement, ce foisonnement incessant et hystérique m'agace un peu ; et que dire de ces anaphores présentes une page sur deux et qui ne servent strictement à rien, si ce n'est à irriter son lectorat et à rallonger un roman déjà assurément volumineux ?
Néanmoins, le fond s'avère effroyablement passionnant. Benjamin Dierstein réussit le tour de force de mêler des politiques de premier plan aux crimes les plus sordides lorgnant vers une immonde pédophilie très lucrative pour individus désespéremment immoraux, tout cela couronné par le pouvoir suprême, celui de l'Argent Roi, capable de toutes les corruptions et de toutes les permissivités.
Ce roman est un vaste opéra basé sur la cruauté et sur l'horreur. Certes, l'Homme n'en sortira pas grandi, bien au contraire, cependant Benjamin Dierstein met le doigt sur l'un des travers les plus odieux de l'humanité : la pédophilie dans toute son abjection la plus sordide, d'ailleurs le dessin de couverture avec ce nounours, baignant dans une flaque d'eau ou de sang, est là pour nous mettre en garde d'un texte naviguant sur un bouillon de culture glauque et innommable ; surtout à ne pas mettre entre toutes les mains ; d'autant que dès l'incipit, le ton est donné : l'indicible sera au rendez-vous.
Mon autre bémol porte sur le foisonnement des personnages, des démêlées de l'enquête et des considérations politiques, j'ai parfois perdu le fil de l'histoire avant de retrouver un point d'appui, puis de me voir déboussolé derechef et d'enfin raccrocher mes wagons dans les dernières pages. J'oubliais les longs passages qui font écho à l'actualité politiques, mais qui ne sont que des copiés collés de nouvelles distillées par la radio. Bref, lecture éprouvante et inoubliable à tous les points de vue. Suis-je prêt à renouveler l'expérience avec Benjamin Dierstein aux manettes ? La question se pose.