28 déc. 2020

 Souvenir d'un Noël pâtissier 2020 :























                                             Rendez-vous en 2021 !


14 déc. 2020



 " Sombre dimanche "   de Alice Zeniter   15/20


      Quand le passé embrumé gâche l'espoir d'un futur plus heureux, chaque instant éveille le regret.

      De génération en génération, la famille Mandy habitent toujours la même maison de bois sagement posée entre les rails enchevêtrés d'un aiguillage de la gare de Nyugati à Budapest. De lourds secrets de famille pèsent sur les frêles épaules du jeune Imre Mandy, où, dans cet univers à la fois étouffant et mélancolique, son grand-père ne voit qu'un responsable des malheurs du clan Mandy : Staline. Dans cette ambiance lourde et glauque, Imre tentera de se créer son propre monde, mais, que les couches du passé déposées en strates successives sont si écrasantes ! 

      Créer une atmosphère à la fois lugubre et singulière tout en s'interrogeant sur la vacuité de l'existence, voilà bien le talent d'Alice Zeniter. Dans cette histoire foncièrement hongroise, elle nous dessine au scalpel la destinée de tout un peuple habitué à vivre constamment sous le joug des invasions successives. 

      Le titre, Sombre dimanche, peut se décliner en une infinité d'échos : sombre maison, sombre famille, sombres paroles, sombre amitié, sombre vie, sombre avenir, sombre pays et naturellement : sombre roman ! 

      Chez les Mandy, même la parole est tue. Toutes ces phrases qu'ils ne se disent pas comme jetées dans un gouffre aussi profond que la mort. Le silence fait loi, le silence fait désespoir.

      L'écriture, à l'image d'un tableau, se noue et se dénoue tout en dégradés de lumière, de remords, de sentiments, de regrets et de nostalgie. Il y a comme une couleur d'automne qui plane sur le récit, avec son impossibilité d'aller de l'avant, de tout plaquer et de fuir cette zone de malaise. En effet, vouloir vivre autre chose, avoir le désir de prendre un des trains qui passent constamment devant les protagonistes, cela requiert une certaine volonté, un vrai courage. Cependant, engluée dans une vie et un pays qui stérilisent le moindre désir, cette sinistre famille regarde passer l'Histoire, le temps... et les trains !

      Ce roman se double d'une réflexion sur le bonheur : est-ce cela la vie : une succession de petits moments d'espoir et de longues périodes de dépression ? Malgré les années, et la sagesse que l'on peut espérer en tirer, la montée de l'un fait instantanément oublier l'autre. Est-on condamné à errer de l'un à l'autre, sans espoir, sans remission, tel un Sisyphe de l'absurde ?

      Certes, Sombre dimanche est un roman à ne pas mettre entre toutes les mains tant sa noirceur vous plombe une atmosphère plus vite qu'un tir de chevrotine, cependant, en filigrane, se profile la condition humaine avec tous ses secrets, ses désillusions et ses rêves impossibles.


7 déc. 2020

 


HAÏKU   Partie CXXXXIX


°°°°°°°°°


rues de Paris

à l'approche de Noël

entre jouets et matraques



Noël 2020 -

le rêve des parents

des vaccins par milliers



manifestation de décembre

incendies de voitures

la magie de Noël



échauffourées à Paris

poubelles et voitures en feux

les illuminations de Noël



anglais et français

même combat

ils ont piqué la reine !


1 déc. 2020


 " Juste avant l'oubli "   d'Alice Zeniter   10/20


      Aux Hébrides, bousculé par les vagues et le vent, il existe un bout de terre méconnu nommé Mirhalay. Seuls les moutons s'y plaisent. Autrefois, des hommes ont essayé de s'installer sur cette île inhospitalière, mais ont finalement dû renoncer.

      Pourtant, suite à son divorce en 1963, l'écrivain écossais Galwin Donnell, un type misogyne et misanthrope, décide de tenter l'expérience d'une installation. Cela durera 22 ans avant la survenue d'un drame bien mystérieux en 1985. Suicide, accident ou meurtre ? Cette disparition bâtit la légende de Galwin Donnel, dont ses romans donnèrent lieu à d'innombrables analyses. Ainsi, tous les 3 ans, sont organisées des "Journées d'études internationales" sur l'oeuvre de l'écrivain. Viennent y débattre une poignée d'intellectuels, férus de polar, ayant chacun un avis bien tranché sur l'oeuvre et le maître.

      Cet été-là, Emilie, qui travaille une thèse sur l'écrivain mythique, est chargée d'organiser ce rendez-vous. Son compagnon depuis 8 ans, Franck, un jeune infirmier, doit la rejoindre dans quelques jours. Au fond de lui, il espère que ce séjour lui donnera l'occasion de sceller définitivement son union avec Emilie et pourquoi pas de concevoir leur premier  enfant.

      Le vrai tour de force d'Alice Zeniter est de rendre crédible et de mettre en abîme le statut de l'auteur de polar Gawin Donnel. A coup de citations, en exergue des chapitres, à coup d'extraits de critiques de journaux, en bas de page, et même grâce à des bribes d'articles de Wikipédia, elle crée l'existence du célèbre écrivain écossais. Un rien candide, en début de lecture j'ai voulu vérifier la véracité de l'existence de Gawin Donnel, naturellement, je n'ai rien trouvé. En tout cas, la supercherie est parfaitement menée. Chapeau bas chère Alice !

      Sillonnant sans cesse le roman, les thèmes abondent, entremêlant à la fois, relation amoureuse perturbée, mystère autour de disparition de Galwin Donnel, vie dans des conditions extrêmes et colloques universitaires. L'ensemble, quoi que relativement court, est mijoté longuement, puis le goût en est relevé pour tenter d'être digne de la littérature noire.

      Malgré tous ces ingrédients, la recette m'a déçu. En effet, en dépit de toute mon implication, je suis resté en dehors du récit. Je n'ai jamais réussi à me passionner pour cette histoire dont on peut aisément deviner la fin. La soi-disante ambiance de polar tombe vite à la mer ! Les chapitres des colloques m'ont ennuyé au point de sauter quelques paragraphes, rassurez-vous, cela ne change rien à l'histoire... malheureusement prévisible. Il manque peut-être une sorte de folie ou d'extravagance pour bousculer le ronronnement du déroulement de la narration. C'est comme-ci l'eau de mer avait délavé un tableau, à l'origine, criant de couleurs.

      Nonobstant cet avis défavorable, je dois reconnaître, à la décharge d'Alice Zeniter qu'elle possède une belle plume, que certains passages sont admirablement écrits, tels : la description de l'île, l'incompréhension d'Emilie devant l'amour absolu de Franck et sa vision cynique sur la nécessité de vivre en couple. Malheureusement ces portions congrues ne peuvent sauver un récit qui prend l'eau de partout et qui ne demande qu'à sombrer... juste dans l'oubli (pardonnez le jeu de mot facile).


27 nov. 2020




" L'année du lion "   de Deon Meyer   18/20


      Oeuvre dystopique, tout à la fois haletante mais terriblement actuelle.

      Un virus foudroyant a décimé les neuf dixièmes de l'humanité. En Afrique du sud, sous l'égide d'un humaniste nommé Willem Storm, une nouvelle communauté se forme, humble, autonome et bientôt prospère. Rapidement, elle attire la convoitise de tout ceux qui n'aspire qu'à profiter, par la violence, du bien d'autrui.

      Tout le roman est porté par la voix du fils de Willem Storm : Nico. Celui-ci, âgé maintenant de 47 ans, âge où son père fut assassiné, décide de nous raconter l'histoire de sa vie à partir de ses 13 ans, de nous dire aussi pourquoi il a bêtement gâché les derniers mois partagés avec son père.

      A noter avant toute chose, que ce roman fut écrit en 2017, donc bien avant notre histoire de coronavirus nommé Covid-19. Nous sommes donc loin d'un livre opportuniste qui jonglerait sur notre pandémie actuelle.

      D'emblée, ce roman vous accroche, vous accapare. D'abord par son atmosphère post-apocalyptique, puis par sa force narrative, et enfin, par la charge émotionnelle qu'il distille tout du long. De surcroît, l'influence néfaste de l'Homme sur l'état de la planète et des solutions qui en découlent est un sujet brûlant d'actualité. Et Deon Meyer, poussant sa réflexion sans retenue, nous livre une vision épouvantablement extrême de ce qui pourrait advenir... demain.

      Naturellement, impossible de ne pas rapprocher ce récit de la série The walking dead, dans les deux cas, une petite communauté lutte au jour le jour pour la survie de l'espèce. Mais ici, pas de zombies à la pelle, non, juste les reliquats d'une humanité avec plus ou moins d'humanité. Donc, d'autant plus réelle, d'autant plus proche de nous, que chacun peut s'y identifier, s'y reconnaître.

      Outre le fait que Deon Meyer possède le don de malmener son lectorat grâce à un suspens continu et parfois insoutenable, il détient aussi le talent fou d'agiter les réflexions sur nos préoccupations les plus immédiates et les plus vitales. Sans vergogne et sans préambule, il met les mains dans le cambouis de notre prétendu altruisme naturel. En effet, devant l'indifférence quasi-totale de l'humanité face au processus de destruction qui est en train de rendre la Terre inhabitable, Deon Meyer jette son pavé dans la mare : Que faire devant la détérioration criante du climat ? Que faire face à une pollution de l'air, de la terre et de l'eau ? Que faire face à une pauvreté endémique et un capitalisme immodéré ? Que faire face aux religions qui voient dans tout cataclysme le geste punitif de Dieu ?  Que faire pour que demain nos enfants et petits-enfants ne soient pas condamnés non pas à vivre, mais à survivre sur une planète devenue délétère des conséquences d'une indifférence généralisée ?

      De surcroît, Deon Meyer enfonce le clou en ne voyant derrière le caractère violent et individualiste de l'Homme qu'un animal sauvage, prêt à tout pour sa survie propre, peu importe l'autre. Quel piètre considération pour nos semblables ! Cependant, le portrait dressé est si fidèle à la réalité que nous appréhendons, chaque jour, qu'il laisse peu de place pour l'espoir. Alors, dans un élan extrême de pessimisme généreux, je vous souhaite à tous, une bonne fin du monde !!!

      Un seul bémol : la qualité littéraire du roman qui aurait mérité un autre traitement. Cependant, cela peut se justifier par le fait qu'il ne s'agit, après tout, que du récit de Nico Storm, soit d'un homme qui raconte ce que fut sa vie dans un monde en recomposition, alors le style, cela peut bien attendre.

      Dans notre monde où surconsommation rime avec égoïsme outrancier, lire ce roman amène inexorablement une réflexion sur le monde que nous voulons pour demain. Oeuvre salutaire, remarquable et bigrement captivante.


20 nov. 2020

Dominion - C. J. Sansom - Babelio

 " Dominion "   de C.J. Sansom   12/20


      Et si le Royaume-Uni avait pactisé avec le diable !

      En partant de l'hypothèse, pas si absurde que cela, que le 10 mai 1940, suite à la démission de Neville Chamberlain du poste de premier ministre, ce ne fut pas Winston Churchill qui le remplaça, mais Lord Halifax, un homme plus conciliant avec les nazis, et qui, voyant les pays européens ployer très rapidement sous la botte allemande, chercha un compromis avec Hitler. Cependant, même si Moscou est pris et que Staline a été pendu, l'armée allemande patauge toujours face à l'armée rouge, dans les interminables grands espaces de l'URSS. De l'autre côté du monde, l'armée japonaise piétine tellement en Chine qu'elle n'a pas le désir de venir titiller les américains à Pearl-Harbour. Ceux-ci n'entrant pas en guerre, du moins pas officiellement, la seconde guerre mondiale ne peut plus avoir lieu.

      Hiver 1952, le Royaume-Uni est devenu un satellite de l'axe nazi. Depuis 12 ans, la résistance attend un signe de Winston Churchill pour embraser le pays. Parmi ces hommes : David Fitzgerald, un fonctionnaire d'origine juive se voit confier la périlleuse mission de venir en aide à un scientifique porteur d'un secret capable de mettre un terme à l'hégémonie nazie. Cependant, informée par ses espions, la Gestapo met tout en oeuvre pour mettre la main sur cet homme de science.

      Comme toute uchronie, il est fascinant de voir tout ce qu'un simple changement de données de base peut engendrer comme conséquences. Ainsi les rôles sont redéfinis et les ennemis dans un monde peuvent devenir neutres dans l'autre. Cette réflexion sur une variante autour de la seconde guerre mondiale, de nombreux autres se la sont posée à leur tour, notamment Philip K Dick dans Le maître du haut château et Philip Roth dans Le complot contre l'Amérique.

      Le point le plus fort du roman, celui qui fait tout l’intérêt et peut-être l'unique intérêt de ce livre, est tout le soin apporté par l'auteur à la vraisemblance des faits, pourtant inventés. En effet, toutes ces pages sur la géopolitique mondiale, sur la doctrine nazie, sur la propagande, sur la presse censurée, sur la colère du peuple britannique contre les attaques de la résistance, sur ceux qui veulent à n'importe quel prix rester pacifistes, ou ceux qui s'identifient sans nuance à un nationalisme exacerbé, sans oublier, à la mort d'Hitler, la guerre de succession entre l'armée allemande et les SS, bref, tout ce qui sert à mettre en relief le fond du roman est passionnant à lire ; par contre, dès que les protagonistes entre en scène, l’intérêt tient le temps de voir les tenants et les aboutissants des personnages, ensuite, ce n'est qu'un vain roman d'espionnage où la course poursuite prend vite le pas sur des considérations plus internationalistes. Si un curseur plus inspiré avait inversé la proportion de ces deux entités, le texte grandissait de façon fondamentale. Malheureusement, des pages sans un grand intérêt se succèdent les unes aux autres bien inutilement pour atteindre un roman qui frôle les 700 pages !

      Néanmoins, ce livre doit être lu, car il interroge la pensée courante qui veut que seule l'Allemagne a pu accoucher du nazisme. En vérité, le nationalisme est un mal qui peut prendre naissance dans n'importe quel pays, dans la mesure où les forces le menant au pouvoir ne rencontrent pas une adversité significative. L'abjecte rôde partout. Attention, nul n'est à l'abri.

      Il doit également être lu afin de nous faire prendre conscience de la fragilité des faits historiques. En effet, un simple grain de sable, tel l'effet papillon, peut changer la face d'un pays, d'un conflit, et pour finir : la face du monde. Assurément, sous la prédominance de ces mêmes grains de sable, année après année, jour après jour, le monde prend des directions insoupçonnées, des orientations originales, qui, si elles ont une seule particularité, c'est bien d'affirmer avec la plus grande péremptoirité qu'il est totalement impossible de se prononcer sur ce que le futur sera. Restons donc humbles envers demain.

      Sans vouloir être un acharné du style, l'ensemble de l'écriture aurait gagné à loucher du côté d'un Williams Styron ou d'un Graham Green, car, quand le récit manque à ce point de relief, le style peut tout sauver.

      Sous couvert d'écrire une uchronie, C.J. Sansom nous narre une énième histoire d'espionnage, heureusement qu'il encadre un récit tout en langueur dans un contexte historique digne de ce nom.


13 nov. 2020

 Visite du jardin automnal.

 Partie 2



La sauge coccinelle avec ses fleurs partant vers  l'azur.



        Quand la Gaillarde prend ses couleurs

d'automne.



               Sous la ramure du châtaignier,

les feuilles glissent du vert au cuivre.



Quand l'Hydrangea prend lui aussi sa coloration de novembre.




Idem pour le hêtre.




Sortant de nul part, peut-être un actinidia, l'arbre des kiwis !?!



Pleine de rosée, une toile d'araignée prise dans les premiers rayons de l'aube.




Un camélia nommé Cléopâtra.



Le même, visité par un frelon peut-être appelé "César", qui sait ?




Nommée aussi Doucette, mais plus connue sous le nom de Mâche !



D'un rose flashy, les dernières fleurs de géranium avant l'hiver.



Tel un fakir, Bouddha trône sur son trône de bogues de châtaignes.



Déshabillage des peupliers par le vent de novembre. 




On ne va pas se quitter sans la bébête du jardin avec sa couverture automnale !

A bientôt !

5 nov. 2020

 


Perfidia - James Ellroy - Babelio

" Perfidia "   de James Ellroy   8/20


Une descente vertigineuse dans l'enfer de l'humanité... et de la littérature.

      Le 6 décembre 1941, quatre japonais, les Watanabe, sont découverts morts à Los AngelesMeurtre ou suicide ? Le lendemain, l'empire japonais attaque Pearl Harbour. Le LAPD (Los Angels Police Départment), pour se débarrasser du problème en ces temps de déclaration de guerre, n'hésite pas fabriquer un coupable idéal. Le sergent Dudley Smith, un homme aux dents longues, dirige l'enquête qui s'annonce lucrative, tant l'hystérie du climat de guerre se prête à tous trafics, notamment à l'encontre des très nombreux citoyens américains d'origine japonaise. De son côté, William Parker, jeune officier alcoolique, s'engage dans la voie du combat de l'anticommunisme qui se dessine à l'horizon. Hideo Ashida, jeune japonais de la police scientifique de Los Angeles, est tiraillé entre mille maux. Puis, il y a Lee Blanchard, Reynolds Loftis, Ray Pinker, Turner Meeks, Elmer Jackson... et des dizaines d'autres... des centaines d'autres. Tous soudoient, menacent, traficotent, corrompent, infectent, avarient, souillent, pourrissent une société qui n'en avait vraiment pas besoin.

      Narration foisonnante et interminable, casting ample et ennuyeux, violence psychique, violence physique, violence omniprésente. Vous l'aurez compris, pour mon premier James Ellroy, je ne suis pas déçu... enfin si, justement. A la fois, empêtré dans l'aridité d'une écriture sans relief, dans l'austérité d'une écriture taillée à la hache et dans l'immensité d'une écriture fleuve, je me suis noyé, irrémédiablement noyé. Impossible de dépasser la page 260, c'est plus fort que moi, même en insistant, rien n'y fait, mon corps s'insurge, se rebiffe, regimbe, ma perdition est totale, exsangue, je capitule sans condition !!!

      Mais pourquoi ce vif rejet, l'histoire avait tout pour rendre ce bouquin passionnant ? D'abord, devant le foisonnement interminable de la narration, James Ellroy ne pouvait-il pas resserrer l'intrigue pour nous livrer 400 pages, et non pas les plus de 800 qui sont véritablement de l'étouffe lecteur. Ensuite, le style, ou plutôt son absence se fait cruellement sentir. Certains parlent même de bouillie littéraire ou d'une prose débilitante. Toutes ces phrases courtes, saccadées, exsangues, ça va un temps, mais sur la longueur cela tourne à l'hystérie voire au ridicule. Il y a aussi ce casting extra-large avec 1000 personnages, où du moins, c'est l'impression que j'en ai eu ! Difficile de ne pas perdre le cours de l'histoire quand trop d'intervenants viennent nager dans les eaux troubles de la LAPD. Et puis cette corruption qui court à tous les étages, comme une épidémie virulente dont personne n'échapperait. Aucun protagoniste ne peut se soustraire à la gangrène de la corruption, quand ce ne sont pas les starlettes égocentriques débordantes de concupiscence. Sans oublier la perversion, la débauche, la dépravation, l'immoralité. Cela ne fait-il pas un peu trop ? Pas le moindre rayon de lumière dans ce tombereau de ténèbres ! Sincèrement, je me demande combien de lecteurs ont réellement lu, jusqu'au bout, ce bottin bourratif ?

      Et quand je songe à tous ces critiques littéraires qui ont encensé ce roman, je préfère penser que l'on n'a pas du lire le même livre !

      De toute cette logorrhée en ressort une société qui ne mérite qu'un anéantissement total et sans appel. Assurément, quand il n'y a rien à sauver, ni personne, il ne reste plus qu'à sombrer corps et âme dans un gouffre abyssal. Alors, que les entrailles de la terre s'entrouvrent en une bouche béante pour engloutir cette société où bassesse rime avec déliquescence. 

      

30 oct. 2020

 " Journal d'un amour perdu "   Eric-Emmanuel Schmitt   17/20


      Quand le désarroi fait littérature.

      " Maman est morte ce matin et c'est la première fois qu'elle me fait de la peine." C'est avec cette phrase choc que débute ce journal d'amour maternel. Tout au long des deux années qui suivirent, Eric-Emmanuel Schmitt essaie l'impossible : accepter le décès de sa mère. Mais comment se soumettre à cette injonction sociétale quand le seul être au monde qu'il idolâtrait vient de disparaitre ? Comment apprivoiser l'inacceptable quand toute sa vie s'articule autour de sa maman ? Dorénavant, un long et acharné combat s'engage contre cette montagne de chagrin. Ou trouver les armes pour venir à bout de cette insupportable douleur ? Cependant, continuer de vivre en étant éploré et affligé, est-ce cela que sa mère aurait voulu ? Demeurer inconsolable indéfiniment ne serait-il pas une sorte de trahison envers cette femme solaire, celle qui lui a donné le goût du bonheur de vivre, celle qui l'a initié aux arts, au sens de l'humour et aux plaisirs de la vie ?

      Tout en évoquant le bonheur d'un passé à jamais enfui, ce journal, forcément intime, plonge dans la détresse des grands malheurs. Il l'explore dans toutes ses cavités. Il la sonde, la soupèse, l'ausculte, la fouille, sans fin, à la recherche d'une prise où se raccrocher afin de ne plus décrocher, de ne plus sombrer, tel un navire en pleine tempête. Deux ans de bas et de très bas lui seront nécessaires pour métamorphoser l'épreuve de la mort en papillon de lumière, deux ans de cheminement intellectuel pour s'apercevoir que l'âme de la solution était là, juste sous ses yeux, encore faut-il avoir assez de lucidité pour pouvoir l'appréhender.

      Difficile de ne pas mesurer le deuil frappant Eric-Emmanuel Schmitt à l'aune de nos deuils personnels. Par écho, comment ne pas s'y retrouver, souffrir avec lui ? Comment ne pas être ému quand nos luttes face à l'inadmissible sont communes. C'est cela aussi faire partie de l'humanité.

       Avec ce texte sorti de ses entrailles, où pensées et réflexions se succèdentEric-Emmanuel Schmitt nous donne simplement une forte et belle leçon de vie... incommensurablement universelle.


28 oct. 2020


" Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran "   de Eric-Emmanuel Schimtt   17/20


      Paris, dans les années 1960, depuis que sa mère est partie, Momo partage sa vie avec un père glacial dans un triste appartement. Afin de rechercher un peu de joie et de réconfort, le garçon juif de 14 ans devient l'ami du vieil épicier arabe de la rue Bleue.

      Mais les apparences sont trompeuses. L'épicier n'est pas arabe ! La rue Bleue n'est pas bleue ! Et bien d'autres révélations étonnantes attentent Momo.

      Le personnage d'Ibrahim sert de révélateur à son jeune ami Momo, il tient le rôle du père de substitution, c'est un vieil homme qui passe le témoin à la génération suivante. Il enseignera à Momo : le sourire, le pardon, la clémence, la ruse et le plaisir de la lenteur. Tout un viatique pour vivre le mieux possible sa vie d'homme.

      Avec cette histoire très courte, 80 pages, aux allures de conte philosophique, Eric-Emmanuel Schmitt nous montre la vérité derrière le rideau des apparences. Il y a toujours ce que l'on croit savoir, ou du moins deviner, et ce qui est vrai. On se fourvoie toujours, tant la vérité prend des chemins détournés pour exister.

      Sa lecture est si brève et si douce qu'elle apporte un petit moment de joie, à l'image d'une belle parabole sur les religions, à l'image d'un air siffloté qui chante la vie, à l'image d'un fragment de sagesse et d'une opportunité de sourire. 

      Ce récit, où le titre est presque plus long que le texte, est à la fois simpliste, touchant, léger comme le bonheur et certainement plus subtil qu'il n'y paraît !


27 oct. 2020


 " Les Naufragés de l'île Tromelin "   de Irène Frain   14/20


      Au soir du 31 juillet 1761, L'Utile, un navire français de commerce transportant une cargaison clandestine d'esclaves, crève sa coque sur les récifs de corail d'une minuscule île perdue dans l'océan indien. Sur ce petit bout de terre, incessamment battu par des déferlantes et harcelé par des ouragans, devront cohabiter les rescapés blancs et noirs. Mené par le premier lieutenant, un homme habile et brillant, Barthélémy Castellan de Vernet, les naufragés ne tarderont pas à construire un bateau de fortune pour regagner la côte de Madagascar. Cependant, l'embarcation est bien trop petite pour emmener tout le monde. Castellan jure solennellement aux esclaves, que l'on n'embarque pas, qu'il va revenir les chercher.

      En 1775, soit quinze ans plus tard, il ne reste que huit survivants ! Pourquoi Castellan n'est jamais revenu ? Que s'est-il passé sur ce bout de terre pendant tout ce temps ? Et pourquoi les autorités françaises n'ont rien fait pour les sauver ?

      En s'appuyant sur ce tragique fait réel, Irène Frain expose les tenants et les aboutissants d'un dramatique naufrage, qui, en son temps, eut un singulier écho en raison des scandales humains et financiers que l'affaire souleva. D'ailleurs, le mathématicien, philosophe et homme politique Condorcet, révolté par l'ignominie de cette tragédie, engagera les prémices d'un combat pour l'abolition de l'esclavage, finalement votée le 4 février 1794.

      Afin d'en faire une vraie oeuvre littéraire, Irène Frain s'est longuement imprégnée d'archives, de récits et documents d'époque, ainsi que le résultat de recherches archéologiques menées par Max Guérout en 2006. Cela dénote un long et fastidieux travail de reconstitution, qui certes, alourdit certains passages, mais qui révèle tous les dessous d'une catastrophe évitable. Seulement voilà, la bassesse de la cupidité, la volonté du paraître liées à la négation de l'homme noir créent un creuset où tous les ingrédients sont là pour qu'un drame surgisse.

      Assurément, l'altérité éloigne, cependant, sous le joug d'une nature extrême, quand les conditions de vie sont là pour niveler la différence entre hommes blancs et noirs, le plus beau cadeau au monde naît de la découverte de la fraternité humaine. En effet, quand le dénuement arase les dissemblances, il n'est plus question de couleur de peau, mais de solidarité dans un véritable esprit de corps.

      Petit bémol concernant la plume, hormis des mots ou expressions qui n'existaient pas encore à l'époque, comme : catamaran ou un bleu, la tournure des phrases surprend par leur circoncision abrupte ou par leur tournure.

      Malgré les défauts inhérents à la volonté de tout dire, tirant donc plus du documentaire que du roman, Les Naufragés de l'île Tromelin est un livre poignant et foncièrement inoubliable.


26 oct. 2020

 Visite du jardin automnal.

Partie 1



Eh oui, même les topinambours

font des fleurs !


Pas d'automne sans châtaignes !



Une linaire pas si linéaire que cela !


Dans nos campagnes sans loup,

je loue la beauté

des fruits de l'houx !


Notre bête du jardin

sur son trône de butternuts !


Monstrueuse tomate de 850 grammes !


Eclatement violet du pourpier.


Voici enfin ma récolte de graine de

feuille de chêne verte, (pour ceux qui suivent)

A semer au printemps prochain !


Toute la blancheur écarlate du cosmos.


Une belle sauge du nom de lèvres-chaudes

tout un programme !


Dernières tomates cerises de la saison !



                                  En guise d'au revoir,

nos fleurs de topinambours de face.


A très vite !




22 oct. 2020


 HAÏKU   Partie CXXXXVIII


°°°°°°°°°


un éveilleur de conscience

le bruit d'un couteau

Marianne à terre



un jour d'octobre

plein de Lumières

l'envol d'un ange



face à l'obscurantisme

un homme seul au front

- mort d'un hussard



une jeunesse en éveil

un homme-bougie

le vent de l'obscurantisme



plus beau métier du monde

allumeur de conscience

à en perdre la tête



un jeune de 18 ans

un professeur des Lumières

difficile le métier d'homme



16 oct. 2020


HAÏKU   Partie CXXXXVII


°°°°°°°°°


silence d'automne -

sur les fils électriques

nulle hirondelle


ciel mélancolique

à nos oreilles égrène

des notes de pluie


rosiers décharnés

assaillis d'herbes folles

- fin de saison


les feuilles des arbres

décrochées par le vent

- la fête est finie


la Covid 19

décochée par la Chine

- la fête est finie



10 oct. 2020

Les Noces barbares - Yann Queffélec - SensCritique 

" Les noces barbares "   de Yann Queffélec   16/20


        Né d'une imposture amoureuse et d'un viol collectif, le petit Ludovic sera toute sa vie haï par une maman trop jeune et trop belle, ne voyant qu'en son fils le résultat d'un effroyable gâchis. Vivant sans amour maternel et caché dans un vieux grenier, son état psychologique ne pourra être que chancelant. Pour survivre, il devra se construire son propre univers, incessamment écartelé entre un sentiment d’adoration et de répulsion pour sa mère... si lointaine.

      D'emblée, le style de la plume séduit. Ses descriptions dénotent d'une qualité littéraire remarquable. Le summum étant atteint avec l'évocation sublime de la mer et de son rivage. Il y a une telle poésie dans ses phrases et dans ses mots qu'il m'est arrivé de relire certains passages, gratuitement, juste pour la beauté du texte et le plaisir des belles phrases.

      Par-dessus tout cela se greffe une histoire sordide pleine de tromperie, de haine, de rejet et d'amour. Où, comment se construire sans l'amour d'une mère, pire, avec la répulsion constante de sa maman ? Ce roman aurait pu s'intituler "Noir obscur", tant l'absence de lumière suinte de partout, tant le moindre espoir se dégonfle aussitôt, telle un ballon de baudruche poinçonné en tout point. Ce même poing qu'il aura beau serré de désespoir, vainement. Malgré l'enténèbrement de l'histoire, malgré le sordide des sentiments et malgré l'obscénité des situations, Yann Queffélec évite l'écueil du pathos et du larmoiement. En bon marin, il louvoie avec dextérité entre les récifs d'une jeune vie perdue, d'une vie sacrifiée sur l'hôtel de l'abomination, de la concupiscence et de la perversion.

      De surcroît, l'auteur dénonce les jugements rapides, les injonctions sans fondement, bref, tous ces préjugés venus de personnes censées être censées, ces fameux gens si bien-pensant. Et pourtant, Ludovic en entendra des mots péjoratifs, créant une isolation supplémentaire, une barrière infranchissable, une fragmentation de son esprit, une frontière absurde entre les gens dit "équilibrés" et les autres.

      Est-ce un plaidoyer en faveur de l'avortement, une apologie de l'adoption ou un éloge pour la primordialité de l'amour maternelle ? Tout cela à la fois et bien plus encore.

      Néanmoins, malgré l’intérêt porté à ce roman, j'ai un bémol concernant la deuxième partie du livre, là où Ludovic se fait enfermer dans une institution pour débile léger. Cette partie de 100 pages s'éternise en histoires d'enfants qui n'apportent pas grand-chose au récit ; heureusement, la dernière partie rehausse l’intérêt, pour s'achever dans un symbolisme tragique où la résolution de l'équation relationnelle sera au rendez-vous, dans une acmé déchirante, ultime et inévitable.

      Et que dire du quatrième de couverture trop bavard. J'en suis encore consterné, c'est simple : il contient tout le roman, même la fin ! Ne le lisez sous aucun prétexte, votre plaisir en serait stupidement gâché.

      Les noces barbares est un récit si poignant que les années de lecture à venir, ne parviendront jamais à effacer ce texte de nos mémoires. Comme un coup de poing dans la gueule ou une violente gifle au visage d'une humanité en voie de déshumanisation, et donc de désamour.